Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/432

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Alvarès aurait- il assez peu de crédit,
Et le conseil enfin…

Alzire.

Je crains tout, il suffit.
Tu vois de ces tyrans la fierté tyrannique.
Ils pensent que pour eux le ciel fit l’Amérique,
Qu’ils en sont nés les rois ; et Zamore à leurs yeux,
Tout souverain qu’il fût n’est qu’un séditieux.
Conseil de meurtriers ! Gusman ! Peuple barbare !
Je préviendrai les coups que votre main prépare.
Ce soldat ne vient point, qu’il tarde à m’obéir !

Émire.

Madame, avec Zamore il va bientôt venir ;
Il court à la prison. Déjà la nuit plus sombre
Couvre ce grand dessein du secret de son ombre.
Fatigués de carnage et de sang enivrés,
Les tyrans de la terre au sommeil sont livrés.

Alzire.

Allons, que ce soldat nous conduise à la porte,
Qu’on ouvre la prison, que l’innocence en sorte.

Émire.

Il vous prévient déjà ; Céphane le conduit.
Mais si l’on vous rencontre en cette obscure nuit,
Votre gloire est perdue, et cette honte extrême…

Alzire.

Va, la honte serait de trahir ce que j’aime.
Cet honneur étranger parmi nous inconnu,
N’est qu’un fantôme vain qu’on prend pour la vertu.
C’est l’amour de la gloire et non de la justice,
La crainte du reproche et non celle du vice.
Je fus instruite, Émire, en ce grossier climat,
À suivre la vertu sans en chercher l’éclat.
L’honneur est dans mon cœur, et c’est lui qui m’ordonne,
De sauver un héros que le ciel abandonne.