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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/518

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508 L’ENFANT PRODIGUE.

JASMIN,

Avec gloire J"ai souloim mon inlerrogaloirc ;

’-Tel qu’un fripon blanchi dans le métier,

J’ai répondu sans jamais m’elTrayer. L’un vous 1 rainait sa voix de pédagogue, L’autre braillait d’un ton cas, d’un air rogue ; Tandis qu’nn aulre, avec un ton flûte, Disait : <( Mon (Ils, sachons la vérité. » Moi, toujours ferme, et toujours laconique. Je rembarrais la troupe scolastique.

LISE.

On ne sait rien ?

JASMIN.

Non, rien ; mais dès demain On saura tout, car tout se sait enfin.

LISE.

Ah ! que du moins Fiercnfat en colère

JN’ait pas le temps de prévenir son père :

Je tremble encore, et tout accroît ma peur ;

Je crains pour lui, je crains pour mon honneur

Dans mon amour j’ai mis mes espérances ;

Il m’aidera…

MARTHE.

Moi, je suis dans des transes Que tout ceci ne soit cruel i)our vous, Car nous avons deux pères contre nous, Un président, les bégueules, les prudes. Si vous saviez quels airs hautains et rudes, Quel ton sévère, et quel sourcil froncé. De leur vertu le faste rehaussé Prend contre vous ; avec quelle insolence Leur àcreté poursuit votre innocence : Leurs cris, leur zèle, et leur sainte fureur Vous feraient rire, ou vous feraient horreur.

JASMIN.

J’ai voyagé, j’ai vu du tintamarre :

Je n’ai jamais vu semblable bagarre :

Tout le logis est sens dessus dessous.

Ah ! que les gens sont sots, méchants, et fous !

On vous accuse, on augmente, on murmure ;

En cent façons on conte l’aventure.