Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/546

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D’avoir, par vos conseils, engagé mon époux
A jeter dans le feu l’injurieux libelle
Dont hier, en secret, un flatteur infidèle
Avait voulu, sous main, rallumer son courroux
Contre le vieux Ergaste, en procès avec nous.

ARISTON.

Eh ! madame, eu cela quelle était donc ma gloire
J’ai trop facilement gagné cette victoire :
L’ouvrage était si plat, si dur, si mal écrit !
Sans doute il fut forgé par quelque bel-esprit,
Quekiue bas écrivain dont la main mercenaire
Va vendre au plus vil prix son encre et sa colère [1].

ZOÏLIN, bas à part.

Ah ! morbleu ! c’était moi… Connaîtrait-il l’auteur ?
Fuyons ! je suis rempli de honte et de fureur.

ARISTON, à Zoïlin.

Vous ne connaissez pas ce misérable ouvrage ?

ZOÏLIN.

Moi ?

ARISTON.

Je souhaiterais qu’on pût guérir la rage
De ces lâches esprits tout remplis de venin.

ZOÏLIN.

Oui.

ARISTON.

Qui, toujours cachés, bravent le genre humain ;
De ces oiseaux de nuit que la lumière irrite,
De ces monstres formés pour noircir le mérite.
Que je les hais, monsieur !

HORTENSE, à Ariston.

Vous avez bien raison.

ZOÏLIN

Sortons.

NICODON

Eh non, mon oncle.

ARISTON

Écoutez, Nicodon ;
Gardez-vous pour jamais de ces traîtres cyniques.

  1. Voltaire fait allusion ici au libelle que Desfontaines avait écrit contre lui en sortant de Bicêtre, et que Thiériot fit mettre au feu. Voyez la Correspondance à cette époque. (G. A.)