Esquivez-vous, vous dis-je ; ou vous êtes coffré [1].
O ciel !
Mes ennemis auraient-ils bien la rage… ?
Vingt monstres bleus là-bas vous guettent au passage.
Quelle horreur !
Essayons si l’on peut vous cacher.
Non, mon ami, sans doute on a su l’empôcher.
Croyez qu’on y prend garde, et qu’une vaine fuite
Servirait seulement à noircir ma conduite.
Clitandre, je veux voir à quelle extrémité
Ln homme vertueux sera persécuté.
Je connaîtrai du moins quel est mon caractère ;
Je n’étais point bouffi d’un sort assez prospère ;
Et puisque le bonheur ne m’avait point gâté,
Peut-être je saurai souffrir l’adversité.
Je ne vous quitte point ; il faut que je partage
Dans l’horreur des prisons le sort qui vous outrage.
Voilà de sottes gens ! quelle démangeaison
Leur a pris à tous deux d’aller vivre en prison ?
Je ne le peux souffrir. Autrefois ma fortune
En me favorisant dut nous être commune :
Il faut que mon malheur soit pour moi tout entier.
Restez heureux au monde où l’on va m’oublier.
Ah ! vous voici, jeune homme !
- ↑ Cet épisode n’est pas d’invention ; il est encore vrai. Et ce n’est pas une fois que Voltaire fut ainsi en alerte ; mais deux fois, mais trois fois. Voyez à la Correspondance. (G. A.)