Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/570

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Moins vous le méritez, plus on veut vous détruire.
Ariston, faut-il donc être ennemi pour nuire ?
Ah ! c’est assez d être homme. Un obscur envieux,
Dont l’éclat rjui vous suit importune les yeux,
Sans qu’avec vous jamais il ait eu de querelle,
Sans intérêt présent, sans haine personnelle.
Osera hien souvent ce qu’un homme insulté
A ])eine en sa colère aurait exécuté.
Toujours la jalousie aux crimes ai,i ; iiillonne ;
L’ennemi le plus fier avec le temps pardonne,
Mais le lâche envieux ne pardonne jamais.

ARISTON.

Non, non ; sur moi l’envie aurait perdu ses traits.
Jaloux de moi ? comment ? de quoi pourrait-on l’être ?

CLITANDRE.

De ce goût que pour vous Hortense a fait paraître,
De votre emploi nouveau, de cent traits généreux,
De ce qu’on vous estime, et qu’on vous croit heureux.

ARISTON.

Ah ! vous mettez le comble à ma douleur profonde !
La vie est un fardeau ; je vois que dans le monde
On est comme en un camp par des Turcs assiégé,
Toujours guetté, surpris, au point d’être égorgé ;
Qu’il faut prévoir sans cesse une emhûclie nouvelle,
Être armé jusqu’aux dents, et vivre en sentinelle.
malheureux humains ! un antre et des déserts
Seraient cent fois plus doux que ce monde pervers !


Scène II.



ARISTON, CLITANDRE, UN LAQUAIS.

LE LAQUAIS.

Venez, monsieur, venez ; cachez-vous au plus vite,
Changez d’habit, de train, gagnez un autre gîte.

ARISTON.

Que veux-tu ?

CLITANDRE.

Que dis-tu ?

LE LAQUAIS, à Ariston.

D’un pas délibéré