Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome3.djvu/573

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Je voulais lui servir et de père et d’appui ;
Nous lui gardions tous deux une assez bonne place
Dans cet emploi nouveau ravi par ma disgrâce.
Sur mes secours encore il a droit de compter.
C’est une juste dette, il la faut acquitter.

(Il tire un portefeuille de sa poche.)

CLITANDRE, à part.

Faut-il qu’un tel mérite ait un sort si funeste !

ARISTON, à Clitandre.

Un seul instant, ami, peut-être ici me reste
Pour vivre encore en homme, et pour faire du bien.
En subissant mon sort, je veux pourvoir au sien.

(A Nicodon.)

Approchez-vous, prenez ces billets sur la place ;
Daignez les accepter, et sans me rendre grâce :
C’est de l’argent comptant, il faut vous en servir
Pour un travail utile, et non pour le plaisir.

NICODON.

Ah, monsieur !

ARISTON.

Achetez les livres nécessaires
Qui puissent de votre âme étendre les lumières.
Songez à vous instruire, et tâchez qu’à la fin
Votre propre vertu fasse votre destin.
Si vous voyez Cléon, si vous voyez Hortense,
Dites-leur, s’il vous plaît, que ma reconnaissance
Survivra dans mon cœur même à leur amitié.
Excepté leurs bienfaits, le reste est oublié.
Adieu ; mes compliments à votre oncle.

NICODON.

Ah ! qu’entends-je ?
A mon oncle ?

ARISTON.

A lui-même.

NICODON.

Ah, Dieu ! quel homme étrange !

(Il se jette aux pieds d’Ariston.)

Monsieur… mon protecteur… vertueux Ariston !…

ARISTON, le relevant.

Eh bien ?

NICODON.

Hélas ! à qui faites-vous un tel don ?