Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

NOMBRES.

Le seigneur parla à Mosé, disant : ordonne aux enfans d’Israël de jeter hors du camp tout lépreux, et ceux qui ont la gonorrhée, et quiconque aura assisté à l’enterrement d’un mort, soit homme, soit femme, afin qu’il ne souille point le lieu où il demeure avec vous… le seigneur parla encore à Moyse : disant, lorsqu’une femme méprisant son mari aura couché avec un autre homme, et que son mari n’aura pu la surprendre, et que des témoins ne pourront la convaincre d’adultere, on la menera devant le prêtre… et il prendra de l’eau sainte dans une cruche de terre, et de la terre du pavé du tabernacle, et il adjurera la femme, en lui disant : si tu n’as pas couché avec un étranger, et si tu n’es pas pollue, cette eau amere ne te nuira pas ; mais si tu as couché avec un autre que ton mari, et si tu es pollue, sois un exemple au peuple, que Dieu te maudisse, qu’il fasse pourir ta cuisse, que ton ventre enfle et qu’il creve [1]. Le seigneur parla à Moyse, disant : parle aux enfans d’Israël, disant : lorsqu’un homme ou une femme auront fait vœu de se

  1. il semble d’abord qu’on ne devait pas être chassé du camp pour avoir aidé à ensevelir un mort ; ce qui était une très bonne action. La gonorrhée n’est point une maladie contagieuse qui puisse se gagner, c’est un écoulement involontaire de semence, causé par le relâchement des muscles de la verge et par quelque acreté dans les prostates ; c’est à peu près ce qu’on nomme fleurs blanches dans les femmes : cette maladie se guérit par un bon médecin. L’auteur de ces remarques en a guéri plusieurs sans les séquestrer de la société civile. De l’oseille, de la scolopendre, et de l’ortie blanche, suffisent quelquefois contre cette maladie dans les hommes et dans les femmes. Il y a une autre sorte de gonorrhée virulente, qui se nomme la chaudepisse, et que l’on guérit sûrement par des injections, par la saignée, par un opiat de savon et de mercure doux : cette maladie n’était point connue dans notre continent avant la fin de notre quinzieme siecle : on sait assez qu’elle est contagieuse par l’accouplement, et que si elle est négligée elle est suivie immanquablement de la vérole. L’eau amere de jalousie qu’on faisait boire aux femmes accusées d’adultere, est probablement le premier exemple qui nous reste de ces épreuves pratiquées par toute la terre : elles ont été variées en bien des manieres, et fort usitées dans les temps d’ignorance. Philon et l’historien Joseph nous assurent que l’épreuve des eaux ameres était en usage de leur temps. Les livres saints ne nomment personne à qui on ait fait boire de ces eaux ; mais le protévangile de st Jacques, qui est lu dans quelques églises d’orient, tout apocryphe qu’il est, dit au chap xvi que le grand-prêtre fit boire des eaux de jalousie à st Joseph, et à la vierge Marie ; ils en burent l’un et l’autre, et furent déclarés également innocens.