Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/140

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Caleb extermina dans la ville de Cariath-Arbé trois fils de géants. Et de ce lieu il monta à Dabir, qui s’appellait auparavant Cariath-Sepher, c’est-à-dire, la ville des lettres, la ville des archives…[1] ; et Caleb dit : je donnerai ma fille Axa en mariage à quiconque prendra la ville des lettres. Et Othoniel, jeune frere de Caleb, la prit ; et il lui donna sa fille Axa pour femme…

Mais les enfans de Juda ne purent exterminer les jébuséens habitans de Jérusalem ; ils resterent à Jérusalem, et ils y sont encore aujourd’hui avec les enfans de Juda[2]

Et Josué parla au peuple assemblé dans Sichem, et lui dit… maintenant, s’il vous semble mal de servir le seigneur notre dieu, le choix vous est laissé. Vous pouvez prendre le parti qu’il vous plaira, et voir si vous aimez mieux servir les dieux qui furent les dieux de vos peres dans la Mésopotamie, ou les dieux des amorrhéens dont vous habitez aujourd’hui la terre. Pour moi et ma maison nous servirons notre dieu… le peuple répondit à Josué : nous servirons notre dieu, et nous obéirons à ses préceptes[3].

  1. les phéniciens avaient en effet quelques villes où l’on gardait les archives et les comptes des marchands. On sait qu’ils avaient inventé l’alphabeth, et que dans leurs voyages sur mer ils communiquerent cet alphabeth aux grecs. Cariath-Sepher est entre Hébron et la mer Méditerranée ; c’est le commencement de la Phénicie. L’historien Joseph avoue que les juifs ne possederent jamais rien sur cette côte. Les phéniciens en furent toujours les maîtres. Sanchoniathon le phénicien, né à Beryte, avait déjà écrit une cosmogonie long-temps avant les époques de Mosé et de Josué. Car Eusebe, qui rapporte un grand nombre de passages de cette cosmogonie, n’en cite aucun concernant les hébreux ; et s’il y en avait eu, il est clair qu’Eusebe en aurait fait mention comme d’un témoignage rendu par le plus ancien de nos auteurs à la vérité des livres juifs. Il est donc certain que Sanchoniathon écrivit, et qu’il ne connut point ces hébreux, qui ne vinrent que depuis lui s’établir auprès de son pays. Nous pourrions tirer delà une conséquence, que si les phéniciens avaient depuis si long-temps des villes où l’on cultivait quelques sciences, les cananéens, qui demeuraient entre la mer et le Jourdain, pouvaient avoir aussi quelques villes dont la horde des hébreux s’empara, et où elle commit plusieurs cruautés.
  2. cette déclaration, que Josué ne s’empara jamais du village de Jérusalem, est expresse. Et l’aveu, que les jébuséens, à qui ce village appartenait, y habitent encore aujourd’hui avec les enfans de Juda, démontre que ce livre ne put être écrit qu’après que David eut commencé à faire une ville de Jérusalem, et que les anciens habitans se joignirent aux nouveaux pour peupler la ville. Les critiques concluent de tous ces aveux semés dans plusieurs endroits, que les hébreux étaient une horde d’arabes bédouins, qui errerent longtemps entre les rochers du mont Liban et les déserts, qui tantôt subsisterent de leur brigandage, et tantôt furent esclaves, et qui enfin, ayant eu des rois, conquirent un petit pays dont ils furent chassés. Voilà leur histoire selon le monde. Celle selon Dieu est différente. Et si Dieu la dicta, il faut adorer malgré toutes les répugnances de la raison.
  3. cette proposition de Josué, de choisir entre le seigneur Adonaï et les autres