Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/160

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ils s’aproprierent donc les idoles de sculpture, et ils établirent pour prêtre Jonathan fils de Gerson fils de Moyse, pour être leur prêtre lui et ses enfans dans la tribu de Dan jusqu’au jour où elle fut captive. Et l’idole de Michas demeura parmi eux tout le temps que la maison de Dieu fut à Silo[1]. Un lévite avec sa femme ne voulurent point passer par Jébus (qui fut depuis Jérusalem). Ils allerent à Gabaa pour y demeurer. Et y étant entrés, ils s’assirent dans la place publique, et personne ne voulut leur donner l’hospitalité. Un vieillard les fit entrer dans sa maison, et donna à manger à leur âne. Et quand ils eurent lavé leurs pieds, il leur fit un festin... pendant le souper il vint des méchants de la ville, gens sans frein, qui environnerent la maison du vieillard, frappant à la

    dans les cavernes profondes qui sont si communes dans ces montagnes, et qui peuvent tenir jusqu’à quatre à cinq mille hommes. S’ils égorgeoient jusqu’aux filles dans Jérico, c’était par un ordre exprès du seigneur, qui voulait punir Jérico.

  1. il faut toujours un prêtre à ces voleurs. Mais ce que Mr l’abbé de Tilladet ne peut croire, c’est qu’un petit-fils de Mosé fût lui-même grand-prêtre des idoles dans une caverne de scélérats. Cela seul, dit-il, serait capable de lui faire rejeter du canon ce livre de Michas. Cela montre, dit Fréret, la décadence trop ordinaire dans les grandes familles. Le fils du roi Persée fut greffier dans la ville d’Albe ; et nous avons vu les descendants des plus grandes maisons demander l’aumone. Le texte dit que l’idole de Michas demeura dans la tribu de Dan jusqu’à la captivité, pendant que la maison de Dieu était à Silo. Silo était un petit village, qui appartint depuis à la tribu d’éphraïm. La maison de Dieu dont il est parlé ici, est le cofre, ou l’arche, le tabernacle du seigneur. Il faut donc que les hébreux, esclaves alors, eussent obtenu des maîtres du pays la permission de mettre leur arche dans un de leurs villages. Cette permission même, dit Mr Fréret, serait le comble de leur avilissement. Des gens pour qui Dieu avait ouvert la mer Rouge et le Jourdain, et arrêté le soleil et la lune en plein midi, pouvaient-ils ne pas posséder une superbe ville en propre, dans laquelle ils auraient bâti un temple pour leur arche ? On répond que ce temple fut en effet bâti plusieurs années après dans Jérusalem, et qu’un siecle de plus ou de moins n’est rien dans les conseils éternels de la providence. Il est difficile d’entendre le sens de l’auteur sacré, quand il dit que l’idole de Michas resta dans la tribu de Dan jusqu’au temps de la captivité. Plusieurs commentateurs croient que l’avanture de Michas arriva immédiatement après Josué. Or Josué mourut selon le comput hébraïque l’an du monde 2561 ; et la grande captivité fut achevée par le roi Salmanazar en l’an 3283. Les idoles de Michas et leur service seraient donc dans la tribu de Dan sept cents vingt-deux ans. Cette histoire, comme on voit, n’est pas sans de grandes difficultés ; et la seule soumission aux décisions de l’église peut les résoudre. Ce qu’on peut recueillir de ces histoires détachées, qui semblent toutes se contredire, c’est que le culte hébraïque ne fut jamais uniforme ni fixé jusqu’au temps d’Esdras.