Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tous les israélites étaient obligés d’aller chez les philistins pour éguiser le soc de leurs charrues, leurs cognées, leurs hoyaux et leurs serpettes[1]. Et lorsque le jour du combat fut venu, il ne se trouva pas un hébreu qui eût une épée ou une lance, hors Saül et Jonathas son fils. Un certain jour il arriva que Jonathas, fils de Saül, dit à son écuyer : viens t’en avec moi, et passons jusqu’au camp des philistins. Et il n’en dit rien à son pere… Jonathas monta grimpant des pieds et des mains ; et son écuyer derriere lui… de façon qu’une partie des ennemis tomba sous la main de Jonathas, et son écuyer, qui le suivait, tua les autres. Ils tuerent vingt hommes dans la moitié d’un arpent ; et ce fut la premiere défaite des philistins…[2]. Et les israëlites se réunirent. Saül fit alors ce serment : maudit sera l’homme qui aura mangé du pain de toute la journée, jusqu’à-ce que je me sois vengé de mes ennemis. Et le peuple ne mangea point de pain… en même temps ils vinrent dans un bois où la terre était couverte de miel. Or Jonathas n’avait pas entendu le serment de son pere ; il étendit sa verge qu’il tenait en main, et la trempa dans un rayon de miel ; et l’ayant portée à sa bouche, ses yeux furent illuminés[3].

  1. nous avons parlé de cette puissante objection ; mais elle n’est pas contre les trois cents trente mille hommes, qui peut-être n’avaient point d’armes ; elle n’est que contre les six cents hommes qui restaient à Saül, et qui devaient être aussi désarmés. Le texte dit positivement que la victoire de Jonathas fut un miracle ; et cela répond à toutes les critiques.
  2. ce combat de deux hommes, qui n’ont qu’une lance et une épée, contre toute une armée, est fort extraordinaire. Mais aussi le texte nous apprend qu’il y avait là du miracle ; et nous devons nous souvenir, que Samson tua mille philistins avec une mâchoire d’âne dans le commencement de sa servitude.
  3. Boulanger ne peut digérer ce serment de Saül. L’écriture, dit-il, nous le donne pour un homme attaqué de manie : il était, sans doute, dans un de ses accès quand il défendit à ses soldats de manger de toute la journée. La critique de Boulanger tombe à faux ; car Saül n’était pas encore fou alors ; il ne le devint que quelque temps après. La terre couverte de miel a paru à d’autres critiques une trop grande exagération. Les abeilles ne font leurs ruches que dans des arbres. Les voyageurs assurent qu’il n’y a aucun arbre dans cette partie de la Palestine, excepté quelques oliviers dans lesquels les abeilles ne logent jamais. Cette critique ne regarde que l’histoire naturelle, et ne touche point au fond des choses, d’ailleurs Jonathas peut avoir trouvé une ruche dans le chêne de Mambré, qui subsistait encore du temps de Constantin, à ce qu’on dit.