Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/196

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est-il fait ? Elle dit : c’est un vieillard qui est monté ; il est vêtu d’un manteau. Et Saül vit bien que c’était Samuel ; et il s’inclina la face en terre, et il l’adora. Samuel dit à Saül : pourquoi as-tu troublé mon repos en me fesant évoquer ? Saül lui dit : je suis très-embarrassé ; les philistins me font la guerre ; Dieu s’est retiré de moi ; il n’a voulu m’exaucer ni dans la main des prophetes, ni par les songes ; ainsi je t’ai évoqué, afin que tu me montres ce que je dois faire[1]. Samuel lui dit : pourquoi m’interroges-tu quand Dieu s’est retiré de toi ?… il livrera Israël avec toi entre les mains des philistins ; demain toi et tes fils vous serez avec moi[2]. Or la pythonisse avait un veau gras pour la pâques ; elle alla le tuer, prit de la farine, fit des azymes, et donna à souper à Saül[3].

  1. puisque Saül et l’ombre de Samuel ont ensemble une grande conversation, on peut inférer delà que c’était Samuel lui-même qui était monté de la terre. Samuel se plaint qu’on ait troublé son repos en enfer ; il parle au nom de Dieu ; c’est un fort préjugé que cette ombre n’était point le diable. Encore une fois, nous n’osons rien décider dans une question si ardue. Quelques critiques se sont enquis pourquoi l’ombre de Samuel était venue de l’enfer avec son manteau. Ils demandent si on a des manteaux en enfer ; si les ames sont habillées quand elles sont évoquées. Ce sont des questions plus ardues encore.
  2. l’ombre de Samuel prédit réellement à Saül qu’il perdra la bataille ; qu’il y sera tué avec ses fils. Pourquoi donc Saül donne-t-il cette bataille ? Il ne croyait donc pas aux prédictions de Samuel. Saint éphrem dit que cette obstination de combattre, malgré les prédictions d’une ombre, est une preuve que ce roi était tout-à-fait fou. Le pere Quesnel en tire un grand argument en faveur de la prédestination. Le pere Doucin soutient que Saül était libre de refuser la bataille après que l’ombre lui avait promis qu’il y serait tué. On dispute sur une autre question. Samuel dit à Saül : tu seras demain avec moi. Saül sera-t-il sauvé ? Sera-t-il damné ? Samuel est en enfer ! Mais il n’est pas probablement dans l’enfer des damnés ; il est dans l’enfer des élus. Saül sera-t-il élu ? Nous protestons que nous n’en savons rien. Des incrédules demandent s’il y a jamais eu un Saül et un Samuel. Ils disent qu’il n’y a que les livres juifs qui en parlent, et que les annales de Tyr ont parlé de Salomon et n’ont jamais parlé de David. Un pareil scepticisme ruinerait toutes les histoires particulieres. Ces incrédules ont beau traiter de fable le combat de David et de Goliath, les deux cents prépuces philistins présentés à Saül, Agag haché en morceaux par un prêtre âgé d’environ cent ans, et enfin l’histoire de la pythonisse d’Endor ; tous ces faits, même indépendamment de la révélation, sont aussi certains qu’aucune autre histoire ancienne.
  3. voilà la premiere fois que des sorcieres donnent à souper à ceux qui les consultent. Nous n’en dirons pas davantage sur la pythonisse d’Endor. Le lecteur peut consulter, s’il veut, tous les livres qu’on a écrits sur les sorciers ; il n’en sera pas plus instruit.