Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/210

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… David dit à Gad : je suis dans un grand embarras ; mais il vaut mieux tomber entre les mains de Dieu par la peste, que dans la main des hommes ; car ses miséricordes sont grandes. Aussitôt Dieu envoya la peste en Israël. Depuis le matin jusqu’au troisieme jour, et depuis Dan jusqu’à Bersabé, il mourut du peuple soixante et dix mille mâles. Et comme l’ange du seigneur étendait encore sa main sur Jérusalem pour la perdre, le seigneur eut pitié de l’affliction ; et il dit à l’ange qui frappait : c’est assez, à présent arrête la main. Or l’ange du seigneur était alors tout vis-à-vis d’Arauna le jébuséen… et David, voyant l’ange qui frappait toujours le peuple, dit au seigneur : c’est moi qui ai péché ; j’ai agi injustement ; ces gens qui sont des brebis, qu’ont-ils fait ? Je te prie, que ta main se tourne contre moi et contre la maison de mon pere[1]. Alors Gad vint à David, et lui dit : monte, et dresse un autel dans l’aire d’Arauna le jébuséen.

    des rois, compte quinze cents soixante et dix mille soldats : ce qui monterait à un nombre bien plus prodigieux encore et plus incroyable. Les commentateurs succombent sous le poids de ces difficultés ; et nous aussi. Nous ne pouvons que prier l’esprit saint, qu’il daigne nous éclairer. sixiémement, les critiques mal intentionnés, comme Mêlier, Boulanger et autres, pensent qu’il y a une affectation puérile, ridicule, indigne de la majesté de Dieu, d’envoyer le prophete Gad au prophete David, pour lui donner à choisir l’un des trois fléaux pendant sept ans, ou pendant trois mois, ou pendant trois jours. Ils trouvent dans cette cruauté une dérision, et je ne sais quel caractere de conte oriental, qui ne devrait pas être dans un livre où l’on fait agir et parler Dieu à chaque page.

  1. Une peste qui extermine en trois jours soixante et dix mille mâles, viros, doit avoir tué aussi soixante et dix mille femelles. Il leur paraît affreux que Dieu tue cent quarante mille personnes de son peuple chéri, auquel il se communique tous les jours, avec lequel il vit familiérement ; et cela, parce que David a obéi à l’ordre de Dieu même, et a fait la chose du monde la plus sage. Ils trouvent encore mauvais que l’arche du seigneur soit dans la grange d’un étranger. David, selon eux, devait au moins la loger dans sa maison. Enfin M Fréret pense, que l’auteur sacré imite visiblement Homere, quand le seigneur arrête la main de l’ange exterminateur. Selon lui, il est très probable que l’auteur, qu’il croit être Esdras, avait entendu parler d’Homere. En effet, Homere, dans son premier chant de l’iliade, peint Apollon descendant des sommets de l’olympe, armé de son carquois, et lançant ses fléches sur les grecs, contre lesquels il était irrité. Nous ne sommes pas de l’avis de M Fréret. Nous pensons qu’Esdras lui-même ne connut jamais les grecs, et que jusqu’au temps d’Alexandre il n’y eut jamais le moindre commerce entre la Grece et la Palestine. Ce n’est pas que quelque juif ne pût, dès le siecle d’Esdras, aller exercer le courtage dans Corinthe et dans Athenes ; mais les gens de cette espece ne composaient pas l’histoire des israélites. Pour les autres objections, il faut avouer que Calmet y répond trop faiblement. Nous ne croyons pas que le choix des trois fléaux soit puérile ; au contraire, cette rigueur nous semble terrible. Mais qui peut juger les jugemens de Dieu !