Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/22

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tu as été pris ; et parce que tu es poudre, tu retourneras en poudre.

Alors Adam nomma sa femme Héva, parce qu’elle était mère de tous les vivants.

Et le Seigneur Dieu fit pour Adam et pour sa femme, des chemisettes de peau[1] ; il les en habilla, et il dit : Eh bien ! voilà donc comme Adam est devenu l’un de nous, sachant le bon et le mauvais ! Maintenant, pour qu’ils ne mettent plus la main sur l’arbre de vie, et qu’ils n’en mangent, et qu’ils ne vivent éternellement, il le chassa du jardin d’Éden, pour aller labourer la terre dont il avait été pétri.

Et après qu’il l’eut mis dehors, il mit un chérub, un bœuf[2]

    les chassa du jardin d’Éden, il ne put les condamner à manger a la sueur de leur front un pain qu’ils ne mangèrent pas. Mais on verra que l’auteur sacré parle presque toujours par anticipation. (Note de Voltaire.)

  1. Nous avons vu que tout est historique dans la Genèse. Il est positif que Dieu daigna faire de ses mains un petit habillement pour Adam et Ève, comme il est positif qu’il leur parla, qu’il se promena dans le jardin. L’ironie amère dont il se sert en leur parlant cette fois est de la même vérité. Il eût été trop hardi à l’écrivain sacré de mettre dans la bouche de Dieu ces paroles insultantes si Dieu ne les avait pas effectivement prononcées. Ce serait une profanation. Aussi nos commentateurs déclarent que tout se passa mot à mot comme il est dit dans la sainte Écriture. Ce changement, arrivé dans la race humaine, a été regardé depuis par les fondateurs de la théologie chrétienne comme un effet de la malice du diable, quoique le diable soit entièrement inconnu dans la Genèse. Les savants commencent à croire que la vraie origine du diable est dans un ancien livre des brachmanes qui a près de cinq mille ans d’antiquité, nommé le Shasta. Il n’a été découvert que depuis peu par M. Dow*, colonel au service de la compagnie anglaise des Indes, et par M. Holwell**, sous-gouverneur de Calcutta. M. Holwell a traduit plusieurs passages importants de ce livre, qui contient l’ancienne religion des brachmanes, et l’origine de toutes les autres : c’est la que l’Éternel crée tous les demi-dieux, non par la parole, par le logos, comme l’a dit Platon dans la suite des temps, mais par un seul acte de sa volonté, comme il paraît plus digne de l’essence divine. Parmi ces demi-dieux il se trouva un rebelle nommé Moisazor, qui fut condamné à un enfer très-long, et qui pervertit ensuite la terre après avoir perverti le ciel. C’est l’Arimane des Perses, c’est le Typhon des Égyptiens, c’est l’Encelade des Grecs : ce fut enfin le diable des pharisiens ; ils l’admirent dans le temps de l’établissement du sanhédrin par le grand Pompée. Ce diable fut regardé alors comme un ange rebelle chassé du ciel, et venant tenter les hommes. On sait assez qu’il courut, en ce temps-là, un livre sur la chute des anges, qui fut attribué à Énoch : il est cité dans une épitre de saint Pierre. Nous n’avons que des fragments de ce livre ; il en sera parlé ailleurs***. (Id.)

    * Voyez tome XXIX, page 166.

    ** Voyez tome XXIX, page 166.

    *** Sur le Livre d’Énoch, septième homme après Adam, voyez tome XVII, pago 301, et plus loin, page 15.

  2. Chérub signifie un bœuf, charab, labourer. Les Juifs, ayant imité plusieurs usages des Égyptiens, sculptèrent grossièrement des bœufs dont ils firent des espèces de sphinx, des animaux composés, tels qu’ils en mirent dans le saint des