Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/230

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élie rétablit l’autel d’Adonaï en prenant douze pierres, et fesant une rigole tout autour, arrangea son bois, coupa son bœuf par morceaux. Il fit répandre par trois fois quatre cruches d’eau sur son holocauste et sur le bois ; et il dit : Adonaï ! Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ! Fais voir aujourd’hui que tu es le dieu d’Israël, et que je suis ton serviteur, et que c’est par ton ordre que j’ai fait tout cela. Et en même temps le feu d’Adonaï descendit du ciel et dévora l’holocauste, le bois, les pierres, la cendre, et l’eau qui était dans les rigoles. Ce que voyant le peuple, il cria : Adonaï est dieu, Adonaï est dieu. Alors élie leur dit : prenez les prophetes de Baal ; et qu’il n’en échappe pas un seul. Et le peuple les ayant pris, élie les mena au torrent de Cison, et les y massacra tous. élie dit ensuite au roi Achab : allez, mangez et buvez ; car j’entends le bruit d’une grande pluie[1]… et il tomba une grande pluie. Achab monta donc sur sa charrette… et élie s’étant ceint

    dans leur dieu Baal, qu’élie dans le vrai dieu ; puis qu’ils se donnaient des coups de couteau, et qu’ils fesaient couler leur sang, pour obtenir le feu du ciel. Il semble même que le peuple d’Israël et le peuple de Juda adoraient le même dieu sous des noms différents. Israël avait des veaux d’or ; mais Juda avait ses bœufs d’or, placés par Salomon dans le sanctuaire avant que Sésac vint piller Jérusalem et le temple. Il est clair, par le texte, qu’Israël n’adorait point ses veaux ; puis qu’il n’adorait que Baal. Or ce mot Bal, Bel, Baal, signifiait le seigneur, comme Adonaï, éloa, Sabbahoth, Sadaï, Jéhova, signifiait aussi le seigneur. Les rites, les sacrifices, étaient entiérement les mêmes ; les intérêts seuls étaient différents. L’hérésie d’Israël ne consistait donc qu’en ce que les israélites ne voulaient pas porter leur argent à Jérusalem, dont la tribu de Juda était en possession.

  1. quelques savans prétendent qu’élie n’est qu’un personnage allégorique, et qu’il n’y eut jamais d’élie. Mais si élie exista, les critiques disent que jamais juif ne fut plus barbare. Les prophetes de Baal étaient aussi dévots à leur dieu que lui au sien ; leur foi était aussi grande que la sienne. Ils n’étaient donc pas coupables ; ils étaient fideles à leur dieu et à leur roi. Il y avait donc une injustice horrible à leur faire souffrir la mort. Et comment le roi d’Israël permit-il cette exécution ? C’était se condamner soi-même à assister à la potence. De plus, élie devait espérer que le miracle inouï de la foudre, qui vint en temps serain brûler les pierres de son autel, la cendre de son bois et l’eau de ses rigoles, convertirait infailliblement les hérétiques. Il devait donc porter sur ses épaules les brebis égarées. Il devait vouloir le repentir des pécheurs, et non leur mort. Mais il les massacre lui-même. interfecit eos. c’était un rude homme que cet élie, qui égorgeait tout seul huit cents cinquante prophetes ses confreres : car il est dit qu’il les tua tous. Mes prédécesseurs, dans l’explication de la sainte écriture, n’ont pu répondre aux critiques, ni moi non plus. Puisse seulement cette exécrable boucherie d’élie ne point encourager les persécuteurs.