Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/249

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Gozan… et cela arriva, parce que les enfants d’Israël avaient péché contre leur dieu Adonaï[1]. Or le roi d’Assyrie fit venir des habitants de Babylone, de Kutha, d’Ava, d’émath, de Sépharvaïm, et les établit dans les villes de la Samarie à la place des enfants d’Israël… quand ils y furent établis, ils ne craignirent point Adonaï ; mais Adonaï leur envoya des lions, qui les égorgeaient[2]. Cela fut rapporté au roi des assyriens, auquel on dit : les peuples que tu as transportés dans la Samarie, et auxquels tu as commandé de demeurer dans ses villes, ignorent la maniere dont le dieu de ce pays-là veut être adoré ; et ce dieu leur a détaché des lions ; et voilà que ces lions les tuent, parce qu’ils ignorent la religion du dieu du pays. Alors le roi des assyriens donna cet ordre, disant : qu’on envoie en Samarie l’un des prêtres captifs ; qu’il retourne, et qu’il apprenne aux habitants le culte du dieu du pays…[3].

  1. nous voyons que de tout temps, quand des peuples barbares et indisciplinés se sont emparés d’un pays, ils s’y sont établis. Ainsi les goths, les lombards, les francs, les sueves, se fixerent dans l’empire romain ; les turcs dans l’Asie Mineure, et enfin dans Constantinople ; les tartares quitterent leur patrie pour dominer dans la Chine. Les grands princes, au contraire, et les républiques, qui avaient des capitales considérables, ne se transplanterent point dans les pays conquis, mais en transporterent souvent les habitants, et établirent à leur place des colonies. Cet usage, qui changea en grande partie la face du monde, se conserva jusqu’à Charlemagne ; il fit transporter des familles de saxons jusqu’à Rome. Ces transportations des peuples paraissaient un moyen sûr pour prévenir les révoltes. Il ne faut donc point s’étonner que Salmanazar donna les terres du royaume d’Israël à des cultivateurs babyloniens, et à d’autres de ses sujets.
  2. les critiques demandent pourquoi Dieu n’envoya pas des lions pour dévorer Salmanazar et son armée, au lieu de faire manger par ces animaux les émigrants innocents, qui venaient cultiver une terre ingrate devenue déserte ? Si on leur répond que c’était pour les forcer à connaître le culte du seigneur, ils disent que les lions sont de mauvais missionnaires ; que ceux qui avaient été mangés ne pouvaient se convertir ; et que le prêtre hébreu, qui vint les prêcher de la part du roi de Babylone, ne suffisait pas pour enseigner le catéchisme à toute une province. Mais probablement ce prêtre avait des compagnons, qui l’aiderent dans sa mission. Si on veut s’informer chez les commentateurs, qui étaient ces peuples de Cutha, d’Ava, d’émath ? Plus ils en parlent, moins vous êtes instruit. C’étaient des peuplades syriennes ; on n’en sait pas davantage. Nous ne connaissons pas l’origine des francs qui s’établirent dans la Gaule Celtique, ni des pirates qui se transplanterent en Normandie. Qui me dira de quel buisson sont partis les loups dont mes moutons ont été dévorés ?
  3. c’est une chose bien digne de remarque, que cette opinion des grecs, à chaque pays son dieu, fut déjà reçue chez les peuples de Babylone, comme cette maxime en Allemagne et en France, nulle terre sans seigneur . Mais comment fesaient ceux qui adoraient le soleil, ou qui du moins révéraient dans le soleil l’image du Dieu de l’univers ? Nous dirons que les persans étaient alors les seuls