Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/256

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Et Nabucodonosor vint avec ses gens pour prendre Jérusalem. Joachim roi de Juda sortit de la ville, et vint se rendre au roi de Babylone avec sa mere, ses serviteurs, ses princes, ses eunuques, la huitieme année de son regne… et le roi Nabucodonosor emporta tous les trésors de Jérusalem, ceux de la maison d’Adonaï et ceux de la maison du roi : il brisa tous les vases d’or que Salomon avait mis dans le temple selon le verbe d’Adonaï… il transporta toute la ville de Jérusalem[1],

    vaincus par le roi de Babylone. L’auteur nous dit bien que Dieu avait prédit tout cela par ses prophetes ; mais il fallait écrire un peu plus clairement pour les hommes. Au moins, quand Flavien Joseph raconte l’autre destruction de Jérusalem, dont il fut témoin, il développe très-bien l’origine et les événements de cette guerre ; mais quand, dans ses antiquités judaïques, il parle de Nabucodonosor qui brûle Jérusalem en passant, il ne nous en dit pas plus que le livre que nous cherchons en vain à commenter. Flavien Joseph n’avait point d’autres archives que nous. Tous les documents de Babylone périrent avec elle ; tous ceux de l’égypte furent consumés dans l’incendie de ses bibliotheques. Trois peuples malheureux, opprimés et subjugués, ont conservé quelques histoires informes : les parsis ou guebres, les descendants des anciens bracmanes, et les juifs. Ceux-ci, quoique infiniment moins considérables, nous touchent de plus près, parce qu’une révolution inouie a fait naître parmi eux la religion qui a passé en Europe. Nous fesons tous nos efforts pour démêler l’histoire de cette nation, dont nous tenons l’origine de notre culte ; et nous ne pouvons en venir à bout.

  1. nous ne pouvons dire aucune particularité de cette destruction de Jérusalem, puisque les livres juifs ne nous en disent pas davantage ; mais il y a une observation, aussi importante que hardie, faite par Mylord Bolingbroke et par M Fréret : ils prétendent que les prophetes étaient chez la nation juive ce qu’étaient les orateurs dans Athenes ; ils remuaient les esprits du peuple. Les orateurs athéniens employaient l’éloquence auprès d’un peuple ingénieux ; et les orateurs juifs employaient la superstition et le style des oracles, l’enthousiasme, l’ivresse de l’inspiration, auprès du peuple le plus grossier, le plus enthousiaste et le plus imbécille qui fût sur la terre. Or, disent ces critiques, s’il arriva quelquefois que les rois de Perse gagnerent les orateurs grecs, les rois de Babylone avaient gagné de-même quelques prophetes juifs. La tribu de Juda avait ses prophetes qui parlaient contre les tribus d’Israël ; et la faction d’Israël avait ses prophetes qui déclamaient contre Juda. Les critiques supposent donc que les nouveaux samaritains, étant attachés par leur naissance à Nabucodonosor, susciterent Jérémie pour persuader à la tribu de Juda de se soumettre à ce prince. Voici sur quoi est fondée cette opinion. Jérusalem est sur le chemin de Tyr, que le roi de Babylone voulait prendre. Si Jérusalem se défendait, quelque faible qu’elle fût, sa résistance pouvait consumer un temps précieux au vainqueur ; il était donc important de persuader au peuple de se rendre à Nabucodonosor, plutôt que d’attendre les extrémités où il serait réduit par un siege, qui ne pouvait jamais finir que par sa ruine entiere. Jérémie prit donc le parti du puissant roi Nabucodonosor contre le faible et petit melk de Jérusalem, qui pourtant était son souverain. Cette idée fait malheureusement du prophete Jérémie un traître ; mais ils croient prouver qu’il l’était, puisqu’il voulait toujours que non seulement la petite province de Juda se rendît à Nabucodonosor, mais encore que tous les