Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/292

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C’est dans ce temps sur-tout que les Ptolémées rois d’égypte, et les Séleucides rois de Syrie se disputaient la Phénicie, et la Judée enclavée dans cette province. Cette querelle, tantôt violente, tantôt ménagée, durait depuis la mort du véritable Alexandre Le Grand. Le peuple juif se fortifiait un peu par les désastres de leurs maîtres. Les prêtres qui gouvernaient cette petite nation changeaient de parti chaque année, et se vendaient au plus fort. Ce Jannée Alexandre commença son sacerdoce par assassiner un de ses freres qui restait encore, et qui ne ressuscita point comme lui. Joseph ne nous dit point le nom de ce frere ; et peu importe ce nom dans le catalogue de tant de crimes. Jannée se soutint dans son gouvernement à la faveur des troubles de l’Asie. Ce gouvernement était à la fois sacerdotal, démocratique, aristocratique, une anarchie complette. Joseph rapporte, qu’un jour le peuple dans le temple jetta des pommes et des citrons à la tête de son prêtre Jannée qui s’érigeait en souverain, et que cet Alexandre fit égorger six mille hommes de son peuple. Ce massacre fut suivi de dix ans de massacres. à qui les juifs payaient-ils tribut dans ce temps-là ? Quel souverain comptait cette province parmi ses états ? Joseph n’effleure pas seulement cette question ; il semble qu’il veuille faire croire que la Judée était une province libre et souveraine. Cependant il est certain, autant qu’une vraisemblance historique peut l’être, que les rois d’égypte et ceux de Syrie se la disputerent, jusqu’à-ce que les romains vinrent tout engloutir. Après ce Jannée, si indigne du grand nom d’Alexandre, deux fils de ce prêtre, qui avait affecté le titre de roi, prirent ce titre aussi, et déchirerent par une guerre civile ce royaume, qui n’avait pas dix lieues d’étendue en tout sens. Ces deux freres étaient l’un Hircan Second, et l’autre Aristobule Second. Ils se livrerent bataille vers le bourg de Jérico, non pas avec des armées de trois, de quatre, de cinq et de six cents mille hommes ; on n’osait plus alors écrire de tels prodiges, et même l’exagérateur Joseph en aurait eu honte : les armées alors étaient de trois à quatre mille soldats. Hircan fut battu, et Aristobule Second resta le maître. On peut connaître ce que c’était que ce royaume d’Aristobule, par un trait qui échappe à l’historien Joseph malgré son zele à faire valoir son pays. Dieu, dit-il, envoya un vent si violent, qu’il ruina les fruits de la terre ; de sorte qu’un muid[1] de

  1. C’est ainsi qu’Arnaud d’Andilly traduit. (Note de Voltaire.)