Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/300

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fils[1], n’était que trop juste : car le même homme, qui trempait ses mains dans le sang de sa famille et de ses amis, n’aurait pas osé manger une perdrix lardée en présence de ses sujets. Ce n’est pas la peine de retracer ici ses autres barbaries ; il est triste que la nature ait produit de tels hommes. Il fallait que son sang fût d’une acreté qui le rendait semblable aux bêtes farouches. Cette acrimonie, qui augmente avec l’âge, le réduisit enfin, si l’on en croit Joseph, à un état qui semblait la punition de ses crimes : les vers rongeaient tout son corps ; les insectes sortaient de ses parties viriles. Nous ne connaissons point une telle maladie. On en dit autant de Sylla et de Philippe Second : ce sont des bruits populaires. Ces bruits ont fait croire aussi qu’Hérode fesait égorger des enfants pour se baigner dans leur sang, et adoucir par ce remede la virulence de ses humeurs. Il est vrai que le charlatanisme de l’ancienne médecine a été assez insensé pour imaginer, que le bain dans le sang des enfants pouvait corriger le sang des vieillards. On a cru que Louïs Onze, attaqué d’une maladie mortelle au Plessis-Les-Tours, fesait saigner des enfants pour lui composer un bain. Cet usage odieux et rare était fondé sur l’ancien axiome, les contraires guérissent les contraires ; et cette idée a produit enfin la tentative de la transfusion, expérience que plusieurs croient trop légérement abandonnée.


DES MONUMENTS D’HERODE

ET DE SA VIE PRIVÉE.


Ce monstre composé d’artifice et de barbarie, qui joignit toujours la peau du renard à celle du lion, était pourtant voluptueux, et aimait la gloire : il voulait plaire à Auguste son maître, et même aux juifs qu’il tyrannisait. Son affectation de flatter Auguste en tout, fut constante et extrême. Césarée fut bâti à l’honneur de cet empereur sur la côte auprès de Joppé, territoire qu’Hérode tenait de la libéralité des romains. Il y construisit des palais, un port de marbre blanc, un théatre, un amphithéatre, et enfin un temple dédié à Auguste, seul dieu d’Hérode. Il lui éleva encore un autre temple auprès des sources du Jourdain. Il rebâtit Samarie et la nomma Sébaste,

  1. Ce mot est rapporté par Macrobe, Saturn., II, iv ; Voltaire en reparle dans le chapitre v de son Histoire de l’établissement du christianisme.