Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/303

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philosophiques. On connaissait assez les trois principales de la Judée, les saducéens, les pharisiens, les esséniens. La secte saducéenne était la plus ancienne. Tous les commentateurs, tous les savants, conviennent qu’elle n’admit jamais l’immortalité de l’ame, par conséquent ni enfer ni paradis chez elle, encore moins de résurrection. C’était en ce point la doctrine d’épicure. Mais en niant une autre vie ils voulaient une justice rigoureuse dans celle-ci, et ils joignaient la sévérité stoïque aux dogmes épicuriens. Ceux qui professeraient hautement parmi nous de tels dogmes, approuvés en Grece et à Rome, seraient persécutés, condamnés par les tribunaux, suppliciés, mis à mort ; et il y en a des exemples. Comment donc étaient-ils non seulement tolérés chez le peuple le plus cruellement superstitieux de la terre, mais honorés, dominants, supérieurs aux pharisiens-mêmes, admis aux plus grandes dignités, et souvent élevés à celle de grand-prêtre ? C’est en vertu de cette superstition même dont le peuple juif était possédé. Ils étaient respectés parce qu’on respectait Moyse. Nous avons vu que le pentateuque ne parle en aucun endroit de récompenses ni de peines après la mort, d’immortalité des ames, de résurrection. Les saducéens s’en tenaient scrupuleusement à la lettre de Moyse. Il faut être étrangement absurde, ou d’une mauvaise foi bien intrépide, il faut se jouer indignement de la crédulité humaine, pour s’efforcer de tordre quelques passages du pentateuque, et d’en corrompre le sens au point d’y trouver l’immortalité de l’ame et un enfer qui n’y furent jamais. On a osé entendre, ou faire semblant d’entendre par le mot shéol , qui signifie la fosse, le souterrain, un vaste cachot qui ressemblait au tartare. On a cité ce passage du deuteronome en le tronquant : ils m’ont provoqué dans leur vanité ; et moi je les provoquerai dans celui qui n’est pas peuple ; je les irriterai dans la nation insensée ; il s’est allumé un feu dans ma fureur, et il brûlera jusqu’aux fondements de la terre, et il dévorera la terre jusqu’à son germe, et il brûlera la racine des montagnes ; j’assemblerai sur eux les maux, et je remplirai mes fleches sur eux, et ils seront consumés par la faim ; les oiseaux les dévoreront par des morsures ameres ; je lâcherai sur eux les dents des bêtes qui se traînent avec fureur sur la terre, et des serpents . Voilà où l’on a cru trouver l’enfer, le séjour des diables ; on a saisi ces seules paroles, il s’est allumé un feu dans sa fureur, et les détachant du reste on a inferé que Moyse pouvait bien avoir