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LETTRE

D'UN BÉNÉDICTIN DE FRANGHE-GOMTÉ

A M. L'AVOCAT GÉNÉRAL SÉGUIER.

��Monsieur,

C'est un usage ancien et sacré dans notre province que l'étran- ger libre, ou le Français d'une autre province, qui vient habiter dans nos terres pendant une année et un jour, devienne notre esclave au bout de cette année, et que toute sa postérité demeure entachée du même opprobre;

Qu'une fille serve n'hérite point de son père, si elle n'a pas rempli le devoir conjugal, la première nuit de ses noces, dans la hutte paternelle ;

Que l'artisan ne puisse transmettre à ses enfants la cabane qu'il a bâtie et où ils sont nés, le champ qu'il a acquis et payé du produit de son travail, le lit même où ses enfants recueille- ront ses derniers soupirs, s'ils n'ont pas toujours vécu avec lui sous le même toit, au même feu, et à la même table ;

Que ces biens nous soient dévolus sans que nous soyons obli- gés de payer les dettes dont ils sont afléctés, le prix même que l'acquéreur auquel nous succédons pourrait en devoir au ven- deur, etc., etc., etc.

Ce sont là, monsieur, des propriétés bien sacrées, puisqu'elles nous appartiennent; ce sont les privilèges des seigneurs féodaux de notre province, qui, pour cela, a été nommée franche, comme les Grecs avaient donné aux furies le nom cVEumènides, qui veut dire bon cœur.

Mais quel a été mon étonnement de voir que dans un édit du

��1. Cette lettre est évidemment du même temps que celle qu'on vient de lire. (B.)

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