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DU JOURNAL DE POLITIQUE, ETC. 393

Le rédacteur des Mémoires d^ Adrien de Noailles n'est entré dans aucun détail de ces temps affreux, dont il ne décrit que les com- mencements avec une sage retenue. Jules de Noailles, après avoir commandé cinq ans en Languedoc, est envoyé sur les frontières de la Catalogne contre les Espagnols, avec qui Louis XIV fut presque toujours en guerre, ainsi que tous ses prédécesseurs depuis Louis XII, jusqu'au temps où, d'ennemi de cette nation, il en devint le protecteur par Tavénemcnt de son fils le duc d'An- jou au trône d'Espagne. Le roi déclara maréchaux de France, en 1693, Boufflers, Catinat et Jules de Noailles. Le rédacteur nous instruit des services de Jules,

Adrien son fils épouse en mars 1698 M"^ d'Aubigné, nièce de M'"'= de Maintenon : le roi lui donne, pour présent de noces, 800,000 livres, et la survivance du gouvernement de Roussillon qu'avait le maréchal son père. Cène sont pas, jusqu'ici, des évé- nements qui intéressent le public, et qui arrêtent les yeux de la postérité.

lAIais Charles II, roi d'Espagne, meurt après avoir déclaré héritier de tous ses États le petit-fils de son ennemi; et l'Europe, étonnée, est bientôt en mouvement par cotte grande révolution. Le rédacteur n'en développe point les ressorts ; ils ont été déjà assez exposés dans d'autres histoires. Il nous fait lire une instruc- tion curieuse du grand-père à son petit-fils, et il remarque, parmi les conseils que Louis XIV donnait à Philippe V, celui-ci, qui semble avoir, dit-il, besoin d'explication : « N'ayez jamais d'attachement pour personne. » Il semble que Louis, alors, eût encore le cœur ulcéré de l'ingratitude qu'il avait éprouvée. Il disait qu'il avait voulu avoir des amis, et qu'il n'avait trouvé que des chefs de cabale. Le jeune Philippe V ne fut entouré que de tels courtisans dès qu'il fut à Madrid. On aurait désiré que le rédacteur eût imité le cardinal de Retz, qui commence ses Mé- moires par donner une idée des personnages qu'il va faire paraître sur la scène, qui peint leur caractère, et nous apprend quels sont leurs talents, leurs dignités et leurs places. Sans ce préalable, le lecteur est souvent dérouté : quand l'écrivain suppose qu'on connaît tous ceux dont il parle, il arrive qu'on ne connaît per- sonne.

Il n'y avait sans doute que des cabales à la cour de Madrid, lorsque Philippe V parut : et qui étaient les principaux intrigants? Le grand inquisiteur Mendoza, dévoué à la maison d'Autriche ; le cardinal Porto-Carrero, auteur du testament du feu roi, mais plus ennemi des Allemands qu'ami dos Français ; un capucin.

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