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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 413

nête défensive. Vous avez voulu d'abord n'écrire qu'en homme d'État, vous en avez rougi ; vous avez voulu réparer la chose en vous remettant à écrire en honnête homme, et vous vous êtes trompé dans votre calcul. Revenons à l'ordre que j'ai interrompu.

VI.

« Comme la mer qui semble vouloir couvrir toute la terre, est arrêtée par les herbes et les moindres graviers qui se trouvent sur le rivage; ainsi les monarques dont le pouvoir paraît sans ])ornes s'arrêtent par les plus petits obstacles, et soumettent leur fierté naturelle à la plainte et à la prière.» (Page 18, liv. Il, chap. IV.)

Voilà donc, poétiquement parlant, l'Océan qui devient mo- narque ou despote. Ce n'est pas là le style d'un législateur. Mais assurément ce n'est ni de l'herbe ni du gravier qui cause le reflux de la mer, c'est la loi de la gravitation ; et je ne sais d'ailleurs si la comparaison des larmes du peuple avec du gravier est bien juste.

VII.

« Les Anglais, pour favoriser la liberté, ont ôté toutes les puis- sances intermédiaires qui formaient leur monarchie. » ( Page 19, liv. II, chap, IV.)

Au contraire les Anglais ont rendu plus légal le pouvoir des seigneurs spirituels et temporels, et ont augmenté celui des com- munes. On est étonné que l'auteur soit tombé dans une méprise si palpable. Je passe une foule d'autres assertions qui me semblent autant d'erreurs, et qui ont été fortement relevées par les sages critiques dont j'ai parlé à la fin de l'avant-propos.

VIII.

« Il ne suffit pas qu'il y ait dans la monarchie des rangs intermédiaires, il faut encore un dépôt de lois.... L'ignorance naturelle à la noblesse, son inattention, son mépris pour le gou- vernement civil, exigent qu'il y ait un corps qui fasse sans cesse sortir les lois de la poussière, où elles seraient ensevelies.... Dans les États despotiques où il n'y a point de lois fondamentales, il n'y a pas non plus de dépôt de lois. » (Liv. II, chap. iv.)

Les savants cités ci-dessus ont remarqué qu'il n'est pas sur- prenant que dans un pays sans lois il n'y ait pas de dépôt de lois. Mais on pourrait incidenter; on pourrait dire que l'auteur

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