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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 447

procès entre douze mille chefs de famille d'un canton presque inconnu de la Franche-Comté, et vingt moines sécularisés. Les douze mille hommes prétendent n'appartenir qu'à Votre Majesté, ne devoir leurs services et leur sang qu'à Votre Majesté. Les vingt cénobites prétendent qu'ils sont, au nom de Dieu, les maîtres absolus des personnes, et du pécule, et des enfants de ces douze mille hommes.

a Je vous conjure, sire, de juger entre la nature et l'Église; rendez des citoyens à l'État et des sujets à votre couronne. Le feu roi de Sardaigne,,dont les filles sont l'ornement et l'exemple de votre cour^ décida la même affaire peu de temps avant sa mort. Il détruisit la mainmorte dans ses États par les plus sages ordonnances. Mais vous avez dans le ciel un plus grand exemple, saint Louis, dont le sang coule dans vos veines, et dont les ver- tus sont dans votre âme. Les ministres qui vous seconderont dans cette entreprise seront comme vous chers à la postérité. »

DES FRANCS.

On a déjà remarqué - que Daniel, dans sa préface sur l'his- toire de France ^ où il parle beaucoup plus de lui-même que de la France, a voulu nous persuader que Glovis doit être bien plus intéressant que Romulus. Hénault a été de l'avis de Daniel. On pou- vait répondre à l'un et à l'autre : Vous êtes orfèvre, monsieur Josse*. Ils auraient pu s'apercevoir que le berceau d'Hercule, par exemple, exciterait plus de curiosité que celui d'un homme ordinaire. Nous venons tous de sauvages ignorés. Français, Espagnols, Ger- mains, Anglais, Scandinaviens, Sarmates, chacune de ces nations, renfermée dans ses limites, se fait valoir par ses différents mérites : chacune a ses grands hommes, et compte à peine les grands hommes de ses voisins ; mais toutes ont les yeux sur l'an-

��1. Les deux frères de Louis XVI avaient épousé les deux sœurs, filles du roi de Sardaigne.

2. Tome XIV, page 61 ; et XXVII, 255.

3. C'est sa première préface, où il donne^ pour écrire l'histoire, des règles qu'il ne prend que chez lui, et non la préface historique, qui est un chef-d'œuvre de bonne critique. On voit qu'il y profite des recherches de Cordemoy et de Valois, et qu'il est meilleur historien des Francs qu'il ne l'est des Français dans le cours de son grand ouvrage. On peut seulement le blâmer de donner toujours aux Francs le nom de Français. Au reste, ni Mézerai, ni lui, ni Velly, ne sont des Tite-Livc ; et je ci'ois qu'il est impossible qu'il y ait des Tite-Live chez nos nations modernes. {Note de Voltaire.)

4. Molière, Amour médecin, acte I, scène i.

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