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SUR L'ESPRIT DES LOIS. 451

avaient toujours été libres ; et quand ils eurent les Francs en tête, il y avait plus de cinq cents ans qu'ils étaient asservis.

CLOVIS.

Quel était donc ce héros de quinze ans qui des marais des Cliamaves et des Bructères vint à Soissons mettre en fuite un général, et jeter les fondements, non pas du premier trône de Vunivers, comme le dit si souvent l'abbé de Velly, mais d'un des plus florissants États de l'Europe? On ne nous dit point qui fut le Chiron ou le Phénix de ce jeune Achille. Les Francs n'écrivirent point son histoire. Comment fut-il conquérant et législateur dans l'âge qui touche à l'enfance? C'est un exemple unique. Un Auvergnat devinant Euclide à douze ans n'est pas si au-dessus de l'ordre commun. Ce qui est encore unique sur le globe, c'est que la troisième race règne dans cet État depuis huit cents ans, alliée, sans doute, à celle de Charlemagne, qui l'était à celle de Clovis : ce qui fait une continuité d'environ treize siècles.

La France, à la vérité, n'est pas à beaucoup près aussi étendue que l'était la Gaule sous les Romains : elle a perdu tout le pays qu'on appelait la France orientale dans le moyen âge ; celui de Trêves, de Mayence, de Cologne, la plus grande partie de la Flandre. Mais à la longue l'industrie de ses peuples l'a soutenue malgré les guerres les plus funestes, les captivités de ses rois, les invasions des étrangers, et les sanglantes discordes que la religion a fait naître dans son sein.

Cette belle province romaine ne tomba pas d'abord au pou- voir du prince des Francs. Les plus fertiles parties avaient été envahies par les princes ariens, bourguignons et goths, dont j'ai parlé. Clovis et ses Francs étaient de la religion que l'on nommait païenne depuis Théodose, du mot latin pagus, bourgade ; la re- ligion chrétienne, devenue dominante, n'ayant guère laissé que dans les campagnes l'ancien culte de l'empire. Les évêques atha- nasiens orthodoxes, qui dominaient dans tout ce qui n'était pas gotli ou bourguignon, et qui avaient sur les peuples une puis- sance presque sans bornes, pouvaient avec le bâton pastoral briser l'épée de Clovis.

Le savant abbé Dubos a très-bien démêlé^ que ce jeune conqué- rant avait la dignité de maître de la mihce romaine, dans laquelle il avait succédé à son père Childéric, dignité que les empereurs

1. Voyez son Histoire critique de l'établissement de la monarchie française.

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