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D’ÉVHÉMÈRE.

puisse être, toutes les filles de la couleuvre s’élèvent contre lui. Il y a des boutiques où les Envies vendent la diffamation quatre fois par mois[1]. L’art de mettre ses pensées par écrit, art admirable, inventé d’abord pour instruire, est devenu le grand partage de l’Envie. Ce n’est pas de tous les arts le plus honorable, mais c’est le plus cultivé : on achète les injures dites au prochain avec plus d’empressement que les vins délicieux et le miel divin de Syracuse.

Callicrate.

N’importe. Dès que je pourrai m’échapper de ma famille, j’irai voir cette capitale de barbares aimables, où l’on passe son temps à danser et à médire. Les filles de la couleuvre n’épouvanteront pas un voyageur.



FIN DES DIALOGUES D’ÉVHÉMÈRE.
  1. Fréron ne diffamait Voltaire que tous les dix jours dans son Année littéraire : mais cette diffamation, qui dura depuis 1754 jusqu’en 1776, ne fut pas arrêtée par la mort du journaliste, le 10 mars de cette dernière année, ni même par la mort de Voltaire, le samedi 30 mai 1778. Fréron fils ou minor, comme l’appelait Voltaire, succéda à son père, et fut le prête-nom des abbés Royou et Geoffroy, depuis 1776 jusqu’en 1790. Fréron fils, qui se conduisit en politique comme son père en littérature, mourut à Saint-Domingue vers 1803. Voyez, au sujet de Fréron major et minor, la lettre de Voltaire à Saurin, du 26 septembre 1777. (Cl.)