Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome30.djvu/71

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or Jacob, ayant appris qu’on vendait du bled en égypte, dit à ses enfans : allez acheter en égypte du bled… ils vinrent donc se présenter devant Joseph. Joseph, les ayant reconnus, ses freres ne le reconnurent pas, quoiqu’il les eût bien reconnus ; et il leur dit : vous êtes des espions. Ils répliquerent : nous sommes douze freres et vos serviteurs, tous enfans d’un même pere, et l’autre n’est plus au monde. Allez, allez, leur dit Joseph ; vous êtes des espions. Envoyez quelqu’un de vous chercher votre petit frere ; et vous resterez en prison, jusqu’à ce que je sache si vous avez dit vrai ou faux. Il les fit donc mettre en prison pour trois jours, et le troisieme jour il les fit sortir et leur dit : qu’un seul de vos freres demeure dans les liens en prison ; vous autres allez-vous-en, et emportez le froment que vous avez acheté ; mais amenez-moi le plus jeune de vos freres, afin que je voie si vous m’avez trompé, et que vous ne mouriez point. Et ayant fait prendre Siméon, il le fit lier en leur présence. Il ordonna à ses gens d’emplir leurs sacs de bled, et de remettre dans leurs sacs leur argent, et de leur donner encore des vivres pour leur voyage. Les freres de Joseph partirent donc avec leurs ânes chargés de froment. Et étant arrivés à l’hôtellerie [1], l’un d’eux ouvrit son sac pour donner à manger à son âne, et il dit à ses freres : on m’a rendu mon argent, le voici dans mon sac ; et ils furent tous saisis d’étonnement [2]… étant arrivés chez leur pere en la terre de Canaan,

    la femme d’un eunuque qui l’avait mis dans les fers ! Quel était le pere d’Azeneth ? Ce n’était pas l’eunuque Putiphar. L’alcoran, au sura Joseph, conte d’après d’anciens auteurs juifs, que cette Azeneth était un enfant au berceau lorsque la femme de Putiphar accusa Joseph de l’avoir voulu violer. Un domestique de la maison dit qu’il fallait s’en rapporter à cet enfant qui ne pouvait encore parler : l’enfant parla. écoutez, dit-elle à Putiphar ; si ma mere a déchiré le manteau de Joseph par devant, c’est une preuve que Joseph voulait la prendre à force ; mais si ma mere a pris et déchiré le manteau par derriere, c’est une preuve qu’elle courait après lui. (Note de Voltaire.)

  1. les critiques assurent qu’il n’y avait point encore d’hôtelleries dans ce temps-là. Ils ajoutent cette objection à tant d’autres, pour faire voir que Moyse n’a pu être l’auteur de la genese. Il est vrai que nous ne connaissons point d’hôtelleries chez les grecs, et qu’il n’y en eut point chez les premiers romains. On conjecture que l’usage des hôtelleries était aussi inconnu chez les égyptiens que dans la Palestine. Mais on n’en a pas de preuves certaines. Il n’est pas impossible que des marchands arabes eussent établi quelques hangards, quelques cabanes, comme depuis on a établi des caravanserails. Il est même vraisemblable que des rois d’égypte, qui avaient bâti des pyramides, n’avaient pas négligé de construire quelques édifices en faveur du négoce. (id.)
  2. on dit que si les patriarches chargerent leurs ânes, il est à croire qu’ils marcherent à pied depuis le Canaan jusqu’à Memphis : ce qui fait un chemin d’environ cent lieues. On infere delà qu’ils étaient fort pauvres, ne possédant aucun domaine considérable, et ne vivant que comme des arabes du désert,