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ACTE I, SCÈNE I.


remplie de pointes; un amant qui a été blessé en défendant sa maîtresse, apostrophe ses blessures, et leur dit[1]:

  Blessures, hâtez-vous d'élargir vos canaux.
  Ah! pour l’être trop peu, blessures trop cruelles,
  De peur de m’obliger vous n’êtes point mortelles.

Tel était le malheureux goût de ce temps-là.

Vers 73. Les sœurs crient miracle.

J’ai remarqué que parmi les étrangers qui s’exercent quelquefois à faire des vers français, et parmi plusieurs provinciaux qui commencent, il s’en trouve toujours qui font crient, plient, croient, etc., de deux syllabes. Ces mots n’en valent jamais qu’une seule, et ne peuvent être employés qu’à la fin d’un vers. Corneille fit souvent cette faute dans ses premières pièces; et c’est ce qui établit ce mauvais usage dans nos provinces.

Vers 87. Et l’amour paternel, qui fait agir leurs bras,
  Croiroit commettre un crime à n’en commettre pas.

Ce morceau est imité du septième livre des Métamorphoses[2].

  His, ut quæque pia est, hortatibus impia prima est;
  Et, ne sit scelerata, facit scelus : haud tamen ictus
  Ulla suos spectare potest, oculosque redectunt.

Remarquez que Corneille fut le premier qui sut transporter sur la scène française les beautés des auteurs grecs et latins.

Vers 158.  .  .  .  .  .  .  Adieu; l’amour vous presse,
  Et je serois marry qu’un soin officieux
  Vous fit perdre pour moi des temps si précieux.

Le lecteur judicieux s’aperçoit, sans doute, combien la plupart des expressions sont impropres ou familières dans cette scène. Nous demandons grâce pour cette première tragédie. Nous tâcherons de ne faire des réflexions utiles que sur les pièces qui le sont elles-mêmes par les grands exemples qu’on y trouve de tous les genres de beautés.

  1. Acte Ier, scène ix.
  2. Ovide, Métam., VII, 340–42.