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ACTE IV, SCÈNE II.


l’atrocité d’une vengeance révoltante, sans qu’elle soit ici combattue par les moindres remords, est encore prise de Sénèque, dont Corneille a imité les beautés et les défauts.

ACTE QUATRIÈME.


Scène II.


Vers 1. Le charme est achevé, tu peux entrer, Nérine.

Dans la tragédie de Macbeth, qu’on regarde comme un chef-d’œuvre de Shakespeare, trois sorcières font leurs enchantements sur le théâtre : elles arrivent au milieu des éclairs et du tonnerre avec un grand chaudron dans lequel elles font bouillir des herbes. Le chat a miaulé trois fois, disent-elles ; il est temps, il est temps; elles jettent un crapaud dans le chaudron, et apostrophent le crapaud en criant en refrain : Double, double, chaudron, trouble, que le feu brûle, que l’eau bouille, double, double[1]. Cela vaut bien les serpents qui sont venus d’Afrique en un moment, et ces herbes que Médée a cueillies le pied nu, en faisant pâlir la lune, et ce plumage noir d’une harpie. Ces puérilités ne seraient pas admises aujourd’hui.

C’est à l’Opéra, c’est à ce spectacle consacré aux: fables, que ces enchantements conviennent, et c’est là qu’ils ont été le mieux traités. Voyez dans Quinault[2], supérieur en ce genre :

Esprits malheureux et jaloux,
Qui ne pouvez souffrir la vertu qu’avec peine,
Vous, dont la fureur inhumaine
Dans les maux qu’elle fait trouve un plaisir si doux,
Démons, préparez-vous
A seconder ma haine ;
Démons, préparez-vous
A servir mon courroux.

Voyez en un autre endroit ce morceau encore plus fort que chante Médée[3]:

Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle ;
Voyez le jour pour le troubler :

  1. Voltaire avait songé un moment à donner ici des fragments de Macbeth pour confondre les shakespeariens. (G. A.)
  2. Amadis, acte II, scène iii.
  3. Quinault, Thésée, acte III, scène vii.