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ACTE ri, SCI- NE I. 335

traire ; s"il lui devait quelque chose, c'était de soutenir son parti, qui était le plus juste. Dans une telle délibération, devant un homme tel qu'Auguste, on ne doit donner que des raisons solides; ces subtilités ne paraissent pas convenir à la dignité de la tra- gédie. Cinna s'éloigne ici de ce vrai si nécessaire et si beau. Vou- lez-vous savoir si une pensée est naturelle et juste, examinez la proposition contraire : si ce contraire est vrai, la pensée que vous examinez est fausse.

On peut répondre à ces objections que Cinna parle ici contre sa pensée. Mais pour(|uoi parlerait-il contre sa pensée? Y est-il forcé? Junie, dans Britannicns,\iarle contre son propre sentiment parcQ^que i\éron l'écoute ; mais ici Cinna est en toute lil)erté ; s'il veut persuadera Auguste de ne point abdiquer, il doit dire à Maxime : Laissons là ces vaines disputes : il ne s'agit pas de savoir si Pompée a résisté au ciel, et si le ciel lui devait l'honneur de rendre Rome esclave; il s'agit que Rome a besoin d'un maître, il s'agit de prévenir des guerres civiles, etc. Je crois enfin que cette subtilité, dans cette belle scène, est un défaut ; mais c'est un défaut dont il n'y a qu'un grand homme qui soit capable.

Vers 239. Sylla, quitlant la place enfin bien usurpée,

iS'a fait qu'ouvrir le champ à César et Pompée...

Cet enfin gâte la phrase.

Vers 241. Que le malheur des temps ne nous eiH pas fait voir S'il eût dans sa famille assuré sou pouvoir.

Il semble que le malheur des temps ne nous eût pas fait voir César et Pompée. La phrase est louche et obscure.

Il veut dire : Le malheur des temps ne nous eût pas fait voir le champ ouvert à César et à Pompée.

Vers 2o2. Votre lîome à genoux vous parle par ma bouche.

Ici Cinna embrasse les genoux d'Auguste, et semble désho- norer les belles choses qu'il a dites par une perfidie bien lâche qui l'avilit. Cette basse perfidie même semble contraire aux remords qu'il aura. On pourrait croire que c'est à Maxime, re- présenté comme un vil scélérat, à faire le personnage de Cinna, et que Cinna devait dire ce que dit Maxime. Cinna, que l'auteur veut et doit ennoblir, devait-il conjurer Auguste à genoux de garder l'empire pour avoir un prétexte de l'assassiner? On est fâché que Maxime joue ici le rôle d'un digne Romain, et Cinna d'un fourbe qui emploie le raffinement le plus noir pour

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