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368 EXAMEN DE CINNA.

EXAMEN DE CINNA

IMI'UIMK PAU COr.NEILLE A LA S f IT E DE SA TRAGÉDIE.

Ce poëme a tant d'illustres suffrages qui lui donnent le premier rang parmi les miens que je me ferois trop d'importants ennemis si j'en disois du mal. Je ne le suis pas assez de moi-même pour chercher des défauts où ils n'en ont pas voulu voir, etc.

Quoique j'aie osé y trouver des défauts, j'oserais dire ici à Corneille : Je souscris à l'avis de ceux qui mettent cette pièce au-dessus de tous vos autres ouvrages; je suis frappé de la no- blesse, des sentiments vrais, de la force, de l'éloquence, des grands traits de cette tragédie. Il y a peu de cette emphase et de cette enflure qui n'est qu'une grandeur fausse. Le récit que fait Cinna au premier acte, la délibération d'Auguste, plusieurs traits d'Emilie, et enfin la dernière scène, sont des beautés de tous les temps, et des beautés supérieures. Quand je vous compare sur- tout aux contemporains qui osaient alors produire leurs ou- vrages à côté des vôtres, je lève les épaules, et je vous admire comme un être à part. Qui étaient ces hommes qui voulaient courir la même carrière que vous? Tristan, La Case, Grenaille, Rosiers, Boyer, Colletet, Gaulmin, Gillet, Provais, La Menardière, Magnon, Picou, de Brosse. J'en nommerais cinquante, dont pas un n'est connu, ou dont les noms ne se prononcent qu'en riant. C'est au milieu de cette foule que vous vous éleviez au delà des bornes connues de l'art. Vous deviez avoir autant d'ennemis qu'il y avait de mauvais écrivains ; et tous les bons esprits de- vaient être vos admirateurs. Si j'ai trouvé des taches dans Cinna, ces défauts même auraient été de très-grandes beautés dans les écrits de vos pitoyables adversaires ; je n'ai remarqué ces défauts que pour la perfection d'un art dont je vous regarde comme le créateur. Je ne peux ni ajouter ni ôter rien à votre gloire : mon seul but est de faire des remarques utiles aux étrangers qui ap- prennent votre langue, aux jeunes auteurs qui veulent vous imiter, aux lecteurs qui veulent s'instruire.

( Fin de l'examen.) C'est l'incommodité des pièces embarrassées, qu'en termes de l'art on nomme implexes, par un mot emprunté du latin, telles que sont Rodogune et HéracHus. Elle no se rencontre pas dans les simples ; mais comme celles-là ont sans doute besoin de plus d'esprit pour les ima-

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