Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avouent que l’autre vie et l’enfer furent inconnus aux Juifs jusqu’au temps d’Hérode. Le docteur Arnauld, fameux théologien de Paris, dit en propres mots, dans son Apologie de Port-Royal : « C’est le comble de l’ignorance de mettre en doute cette vérité, qui est des plus communes, et qui est attestée par tous les pères, que les promesses de l’Ancien Testament n’étaient que temporelles et terrestres, et que les Juifs n’adoraient Dieu que pour des biens charnels. » Notre sage Middleton[1] a rendu cette vérité sensible.

Notre évêque Warburton, déjà connu par son Commentaire de Shakespeare, a démontré en dernier lieu que la loi mosaïque ne dit pas un seul mot de l’immortalité de l’âme, dogme enseigné par tous les législateurs précédents. Il est vrai qu’il en tire une conclusion qui l’a fait siffler dans nos trois royaumes. La loi mosaïque, dit-il, ne connaît point l’autre vie donc cette loi est divine. Il a même soutenu cette assertion avec l’insolence la plus grossière. On sent bien qu’il a voulu prévenir le reproche d’incrédulité, et qu’il s’est réduit lui-même à soutenir la vérité par une sottise ; mais enfin cette sottise ne détruit pas cette vérité, si claire et si démontrée.

L’on peut encore ajouter que la religion des Juifs ne fut fixe et constante qu’après Esdras. Ils n’avaient adoré que des dieux étrangers et des étoiles, lorsqu’ils erraient dans les déserts, si l’on en croit Ézéchiel, Amos, et saint Étienne[2]. La tribu de Dan adora longtemps les idoles de Michas[3] ; et un petit-fils de Moïse, nommé Éléazar, était le prêtre de ces idoles, gagé par toute la tribu.

Salomon fut publiquement idolâtre. Les melchim ou rois d’Israël adorèrent presque tous le dieu syriaque Baal. Les nouveaux Samaritains, du temps du roi de Babylone, prirent pour leurs dieux Sochothbénoth, Nergel, Adramélech, etc.

Sous les malheureux régules de la tribu de Juda, Ézéchias, Manassé, Sosias, il est dit que les Juifs adoraient Baal et Moloch, qu’ils sacrifiaient leurs enfants dans la vallée de Topheth. On trouva enfin le Pentateuque du temps du melk ou roitelet Josias ; mais bientôt après Jérusalem fut détruite, et les tribus de Juda et de Benjamin furent menées en esclavage dans les provinces babyloniennes.

Ce fut là, très vraisemblablement, que plusieurs Juifs se firent

  1. Dans son Examen des discours de Sherlock sur l’usage et l’esprit des prophéties, 1750.
  2. Ézéchiel, ch. xx; Amos, ch. v; Actes, ch. vii. (Note de Voltaire.)
  3. Voyez l’Histoire de Michas, dans les Juges, ch. xvii et suiv. (Id.)