Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/64

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vainqueurs législateurs ne permettaient pas que les barbares soumis immolassent leurs enfants comme autrefois ; mais qu’un Juif ne voulût pas manger d’un plat d’un Cappadocien, qu’il eût en horreur la chair de porc, qu’il priât Moloch ou Adonaï, qu’il eût dans son temple des bœufs de bronze, qu’il se fit couper un petit bout de l’instrument de la génération, qu’il fût baptisé par Hillel ou par Jean, que son âme fût mortelle ou immortelle, qu’il ressuscitât ou non, et qu’ils répondissent bien ou mal à la question que leur fit Cléopâtre, s’il ressusciteraient tout vêtus ou tout nus : rien n’était plus indifférent aux empereurs de la terre.


Chapitre V. Superstitions juives.

Les hommes instruits savent assez que le peuple juif avait pris peu à peu ses rites, ses lois, ses usages, ses superstitions, des nations puissantes dont il était entouré : car il est dans la nature humaine que le chétif et le faible tâche de se conformer au puissant et au fort. C’est ainsi que les Juifs prirent des prêtres égyptiens la circoncision, la distinction des viandes, les purifications d’eau, appelées depuis baptême ; le jeûne avant les grandes fêtes, qui étaient les jours de grands repas ; la cérémonie du bouc Hazazel, chargé des péchés du peuple ; les divinations, les prophéties, la magie, le secret de chasser les mauvais démons avec des herbes et des paroles.

Tout peuple, en imitant les autres, a aussi ses propres usages et ses erreurs particulières. Par exemple, les Juifs avaient imité les Égyptiens et les Arabes dans leur horreur pour le cochon ; mais il n’appartenait qu’à eux de dire dans leur Lévitique[1] qu’il est défendu de manger du lièvre, et « qu’il est impur, parce qu’il rumine et qu’il n’a pas le pied fendu. » Il est visible que l’auteur du Lévitique, quel qu’il soit, était un prêtre ignorant les choses les plus communes, puisqu’il est constant que le pied du lièvre est fendu, et que cet animal ne rumine pas.

La défense de manger des oiseaux qui ont quatre pattes[2] montre encore l’extrême ignorance du législateur qui avait entendu parler de ces animaux chimériques.

  1. Chap. xi, verset 6.
  2. Chap. xi, verset 23.