Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome31.djvu/93

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la religion de l’État, et qu’ils brûlaient les temples quand ils le pouvaient.

Une des sources de toutes ces fables de tant de chrétiens tourmentés par des bourreaux, pour le divertissement des empereurs romains, a été une équivoque. Le mot martyre signifiait témoignage, et on appela également témoins, martyrs, ceux qui prêchèrent la secte nouvelle, et ceux de cette secte qui furent repris de justice.

Quatrièmement, une des plus fortes raisons du progrès du christianisme, c’est qu’il avait des dogmes et un système suivi, quoique absurde, et les autres cultes n’en avaient point. La métaphysique platonicienne, jointe aux mystères chrétiens, formait un corps de doctrine incompréhensible, et par cela même il séduisait, et il effrayait les esprits faibles. C’était une chaîne qui s’étendait depuis la création jusqu’à la fin du monde. C’était un Adam de qui jamais l’empire romain n’avait entendu parler. Cet Adam avait mangé du fruit de la science, quoiqu’il n’en fût pas plus savant ; il avait fait par là une offense infinie à Dieu, parce que Dieu est infini ; il fallait une satisfaction infinie. Le verbe de Dieu, qui est infini comme son père, avait fait cette satisfaction, en naissant d’une Juive et d’un autre Dieu appelé le Saint-Esprit : ces trois dieux n’en faisaient qu’un, parce que le nombre trois est parfait. Dieu expia au bout de quatre mille ans le péché du premier homme, qui était devenu celui de tous ses descendants ; sa satisfaction fut complète quand il fut attaché à la potence, et qu’il y mourut. Mais comme il était Dieu, il fallait bien qu’il ressuscitât après avoir détruit le péché, qui était la véritable mort des hommes. Si le genre humain fut depuis lui encore plus criminel qu’auparavant, il se réservait un petit nombre d’élus, qu’il devait placer avec lui dans le ciel, sans que personne pût savoir en quel endroit du ciel. C’était pour compléter ce petit nombre d’élus, que Jésus verbe, seconde personne de Dieu, avait envoyé douze Juifs dans plusieurs pays. Tout cela était prédit, disait-on, dans d’anciens manuscrits juifs qu’on ne montrait à personne. Ces prédictions étaient prouvées par des miracles, et ces miracles étaient prouvés par ces prédictions. Enfin, si on en doutait, on était infailliblement damné en corps et en âme ; et, au jugement dernier, on était damné une seconde fois plus solennellement que la première. C’est là ce que les chrétiens prêchaient ; et depuis ils ajoutèrent de siècle en siècle de nouveaux mystères à cette théologie.

Cinquièmement, la nouvelle religion dut avoir un avantage prodigieux sur l’ancienne et sur la juive, en abolissant les sacri-