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210 REMARQUES SLR SERTORIUS.

Quelle vérité dans ces vers, ci quelle force dans leur simpli- cité! Point d'épithète, rien de superflu; c'est la raison en vers.

Yers 102. J'ignore quels projets peut former son bonheur. Un bonheur qui forme des projets est trop impropre.

Vers 109. Afin que, Sylla mort, ce dangereux pouvoir

Ne tombe qu'en des mains qui sachent leur devoir.

On'peut animer tout dans la poésie, mais dans une confé- rence sans passion les métaphores outrées ne peuvent avoir lieu; peut-être cette expression porte encore plus l'empreinte d'une négligence qui échappe que d'une figure qu'on recherche.

Vers 4 28. Aux périls de Sylla vous lâtez leur courage.

Ce mot tâter, qui par lui-même est familier, et même ignoble, fait ici un très-bel effet : car, comme on l'a déjà remarqué 1 , il n'y a guère de mot qui, étant heureusement placé, ne puisse contri- buer au sublime. Ce discours de Sertorius est un des plus beaux morceaux de Corneille ; et le reste de la scène en est digne, à quelques négligences près.

Ces vers :

Et votre empire en est d'autant plus dangereux, etc. Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis, etc.

sont égaux aux plus beaux vers de Cinna et des Horaces.

Vers 1 09. C'est Rome... — Le séjour de votre potentat

Qui n'a que ses fureurs pour maximes d'État, etc.

Voilà encore un des plus beaux endroits de Corneille; il y a de la force, de la grandeur, de la vérité ; et même il est supé- rieurement écrit, à quelques négligences, à quelques familiarités près : comme le tyran est bas, donner cette joie, ouvrir ses bras. Mais quand une expression familière et commune est bien placée et fait un contraste, alors elle tient presque du sublime. Tel est ce \ers :

Je n'appelle plus Rome un enclos de murailles.

Ce mot enclos, qui ailleurs est si commun et même bas, s'en- noblit ici, et fait un très-beau contraste avec ce vers admirable :

Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis. 1. Tome XXXI, page 403.

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