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REMARQUES SUR SURÉNA

GÉNÉRAL DES PARTHES,

TRAGÉDIE REPRÉSENTÉE EN 1674.

PRÉFACE DU COMMENTATEUR.

Suréna n'est point un nom propre, c'est un titre d'honneur, un nom de dignité. Le surèna des Parthes était Yetkmadoukt des Persans d'aujourd'hui, le grand-vizir des Turcs. Cette méprise ressemble à celle de plusieurs de nos écrivains, qui ont parlé d'un Azem, grand-vizir de la Porte-Ottomane, ne sachant pas que vizir azem signifie grand-vizir. Mais la méprise est bien plus pardonnable à Corneille qu'à ces historiens, parce que l'histoire des Parthes nous est bien moins connue que celle des nouveaux Persans et des Turcs.

La tragédie de Suréna fut jouée les derniers jours de 1674, et les premiers de 1675: elle roule tout entière sur l'amour. Il semblait que Corneille voulût jouter contre Racine. Ce grand homme avait donné son Iphigénie la même année 1674. J'avoue que je regarde Iphigénie comme le chef-d'œuvre de la scène, et je souscris à ces beaux vers de Despréaux :

Jamais Iphigénie en Aulide immolée 1 , N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée, Que, dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé, En a fait sous son nom verser la Champmêlé.

Veut-on de la grandeur, on la trouve dans Achille, mais telle qu'il la faut au théâtre, nécessaire, passionnée, sans enflure, sans déclamation. Veut-on de la vraie politique, tout le rôle d'Ulysse en est plein ; et c'est une politique parfaite, unique-

1. Épltre VII, à Racine, vers 3-6.