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CORRESPONDANCE.

le détail des embellissements que vous faites à votre terre, et lui ai exagéré le bonheur d’avoir une femme comme vous. Mais quelque chose que je lui aie dite de sa femme et de sa maison, je ne crois pas qu’il vienne si tôt les voir. Il me paraît fort occupé des affaires et des plaisirs qu’il a dans ce pays-ci. Je l’ai trouvé beau, brillant, et paré comme un jeune petit-maître à bonnes fortunes […][1]

Voilà tout ce que je sais de vos affaires. Pour les miennes, elles sont un peu plus mauvaises. J’ai perdu sans ressource mes deux mille livres de rente viagère pour avoir trop tardé à en payer le fonds. Les affaires de ma famille commencent à tourner mal. M. de Nicolaï n’a pas voulu me faire accorder de provision. Ainsi j’ai plus besoin que jamais de la philosophie, dont je veux faire profession. Je vais regarder la fortune comme un avantage qui n’est nécessaire qu’aux gens remplis de désirs. Les richesses sont des emplâtres pour les blessures que nous font nos passions. Mais un philosophe est un homme bien sain, qui n’a pas besoin d’emplâtres. Je me mets donc dans la tête d’être heureux dans la pauvreté. […]



141. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

Ce lundi au soir, juin.

Je vins hier à Paris, madame, et je vis le ballet des Éléments, qui me parut bien joli. L’auteur[2] est indigne d’avoir fait un ouvrage si aimable. Je compte apporter une nouvelle lettre de cachet qui rendra la liberté à notre pauvre abbé Desfontaines. Je verrai samedi Mariamne avec vous, et je vous suivrai à la Rivière. Tous ces projets-là sont bien agréables pour moi, s’ils vous font quelque plaisir.

Je suis d’ailleurs assez content de mon voyage de Versailles ; et, sans votre absence et quelques indigestions, je serais plus heureux qu’à moi n’appartient. J’apprends que vous n’avez jamais eu tant de santé. Vous auriez bien dû me faire le plaisir de me l’apprendre. Mes respects à M. de Bernières. Ayez la bonté de faire tenir à l’abbé Desfontaines la lettre[3] que je lui écris.

J’embrasse notre ami Thieriot.

  1. La fin et le milieu de cette lettre manquent. (Note de M. de Cayrol)
  2. Roi, cité plus haut, lettre 88.
  3. Elle n’a pas été recueillie.