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ANNÉE 17125.

142. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].

1725.

Je répondrai à nosseigneurs les comédiens le beau mot que le duc d’Orléans dit aux députés du parlement : « Allez vous… » J’aime mieux Mariamne qu’eux. Je veux qu’elle soit bonne avant que d’être jouée. Je me suis corrigé de mes précipitations, et Inès me fait voir qu’on ne fait rien de bien en peu de temps. Je travaille donc nuit et jour ; je fais peu de vers et j’en efface beaucoup : sans cela, mon cher monsieur, vous me verriez souvent chez vous et chez Mme de Ferriol, à qui je vous prie de le dire.

Je ne puis donc répondre précisément à votre lettre ; tout ce que je puis vous dire, c’est que je commence à retravailler le second acte. Soyez, je vous en prie, plus sévère que moi ; n’ayez d’indulgence que pour mes défauts ; n’en ayez point pour mes vers. En fait d’amitié, votre indulgence me sera inutile.

Je pars demain pour votre Ablon avec milord. Je pourrai bien, dimanche, envoyer à ces faquins une mauvaise pièce qui sera encore assez bonne pour eux.



143. — À M. THIERIOT,
chez madame de bernières, a la rivière-bourdet.

Paris, 20 juin.

J’ai toujours bien de l’amitié pour vous, grande adversion pour les tracasseries, et beaucoup d’envie d’aller jouir de la tranquillité chez Mme de Bernières ; mais je n’y veux aller qu’en cas que je sois sûr d’être un peu désiré. Je ferais mille lieues pour aller la voir, si elle a toujours la même amitié pour moi ; mais je ne ferais pas un stade, si son amitié est diminuée d’un grain. Je devine que le chevalier des Alleurs[2] est à la Rivière, et que vous y passez une vie bien douce. Je ne sais si M. de Bernières se dispose à partir : il n’entend pas parler de moi, ni moi de lui. Nous ne nous Rencontrons pas plus que s’il demeurait au Marais,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Roland Puchot des Alleurs, connu d’abord sous le titre de chevalier, et ensuite sous celui de comte. Après avoir servi comme capitaine dans le régiment des gardes françaises, il fut nommé envoyé extraordinaire en Pologne, en 1741, et ambassadeur à Constantinople, où il mourut, à la fin de 1754, ou en janvier 1755. C’est à lui qu’est adressée la lettre du 26 novembre 1738. Il avait un frère que Voltaire, dans cette même lettre, appelle philosophe mondain. (Cl.)