et moi aux Incurables. Je saurai probablement de ses nouvelles par Mme de Bernières. Mandez-moi comment elle se porte, si elle est bien gourmande, si Silva lui a envoyé son ordonnance, si elle est bien enchantée du chevalier des Alleurs, si ledit chevalier, toujours bien sain, bien dormant, et bien… se dit toujours malade ; enfin si on veut me souffrir dans l’ermitage. Je ne sais aucune nouvelle, ni ne m’en soucie ; j’attends des Vôtres, et vous embrasse de tout mon cœur.
Je sors de chez Silva, à qui j’ai envoyé quatre fois inutilement demander votre ordonnance : il m’a paru aussi difficile d’en avoir une de médecin que du roi. Enfin Silva vient de me dire que les morceaux d’une boule de fer étaient aussi bons que la boule en entier. Mais, pour moi, je puis vous assurer que le régime vaut mieux que toutes les boules de fer du monde. Je ne me sers plus que de ce remède, et je m’en trouve si bien que je serais déjà chez vous par le coche ou par les batelets, sans la lettre que M. Thieriot m’a écrite. Il m’a mandé que vous et lui seriez fort aises de me recevoir, mais qu’il ne me conseillait pas de venir sans avoir auparavant donné de l’argent[1] à M. de Bernières. Je n’ai jamais plus vivement senti ma pauvreté qu’en lisant cette lettre. Je voudrais avoir beaucoup d’argent à lui donner, car on ne peut payer trop cher le plaisir et la douceur de vivre avec vous. J’envie bien la destinée de M. des Alleurs, qui a porté à la Rivière-Bourdet son indifférence et ses agréments. Je m’imagine que vous avez volontiers oublié tout le monde dans votre charmante solitude, et que qui vous manderait des nouvelles de ce pays-ci, fût-ce des nouvelles de votre mari, vous importunerait beaucoup.
Je ne sais autre chose que le risque où le roi Stanislas a été d’être empoisonné. On a arrêté l’empoisonneur, et on attend de jour en jour des éclaircissements sur cette aventure. Les dames du palais partiront, je crois, le 10 pour aller chercher leur reine[2]. Je crois M. de Luxembourg parti pour Rouen. Voilà tout ce que je sais.