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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/167

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ANNÉE 1725.

dédierai l’un et l’autre[1] : elle m’a déjà fait dire qu’elle serait bien aise que je prisse cette liberté. Le roi et la reine de Pologne, car nous ne connaissons plus ici le roi Auguste, m’ont fait demander le poëme de Henri IV, dont la reine a déjà entendu parler avec éloge ; mais il ne faut ici se presser sur rien. La reine va être fatiguée incessamment des harangues des compagnies souveraines : ce serait trop que de la prose et des vers en même temps. J’aime mieux que Sa Majesté soit ennuyée par le parlement et par la chambre des comptes que par moi.

Vous, qui êtes reine à la Rivière, mandez-moi, je vous en prie, si vous êtes toujours bien contente dans votre royaume. Je vous assure que je préfère bien dans mon cœur votre cour à celle-ci, surtout depuis qu’elle est ornée de Mme du Deffant et de M. l’abbé d’Amfreville. Je vous aime tendrement, et vous embrasse mille fois. Adieu.



153. — À MADAME LA PRÉSIDENTE DE BERNIÈRES.

À Fontainebleau, le 8 octobre.

Je viens de recevoir une lettre sans date de notre ami Thieriot, par laquelle il me mande que vous avez été malade, sans m’en spécifier le temps. Je vous assure que je me trouve bien malheureux de n’avoir pu être auprès de vous. Ce qu’on appelle si faussement les plaisirs de la cour ne vaut pas la satisfaction de consoler ses amis. Soyez sûre qu’il m’est plus doux de partager vos souffrances que de faire ici ma cour à notre nouvelle reine. J’ai été quelque temps sans vous écrire, parce que je n’ai pas ici un moment à moi. Il a fallu faire jouer Œdipe, Mariamne, et l’Indiscret. J’ai été quelque temps à Bélébat[2] avec Mme de Prie. D’ailleurs je me suis trouvé presque toujours en l’air, maudissant la vie de courtisan, courant inutilement après une petite fortune qui semblait se présenter à moi, et qui s’est enfuie bien vite dès que j’ai cru la tenir, regrettant à mon ordinaire vous, vos amis, et votre campagne, ayant bien de l’humeur et n’osant en montrer, voyant bien des ridicules et n’osant les dire, n’étant pas mal auprès de la reine, très-bien avec Mme de Prie, et tout cela ne servant à rien qu’à me faire perdre mon temps et à m’éloigner de vous. Je vais

  1. Œdipe avait été dédié à Madame (femme du Régent). Mariamne est sans dédicace ; mais Voltaire, en l’envoyant à la reine, y joignit une épître ; voyez, tome X, Vl’Épitre à la reine en lui envoyant la tragédie de Mariamne.
  2. Voyez tome II, page 277.