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ANNÉE 1729.

Se croient exempts de tous maux
Quand ils sont exempts de travaux.

Jugez, mon cher monsieur, de la bonne chère avec laquelle nous fûmes régalés par ces coquins, qui préfèrent leur oiseuse stupidité aux commodités qu’un peu de peine et d’industrie fournit à nous autres Français. Une pareille misère ne me fit pas augurer en faveur des actions ; et comme j’étais fort mal en arrivant à Nancy, je remis à deux ou trois jours pour souscrire. Nous trouvâmes à l’hôtel de la Compagnie du commerce plusieurs bourgeois et quelques docteurs qui nous dirent que Son Altesse royale avait défendu très-expressément de donner des actions à tous les étrangers, et nous raillèrent en disant dans leur patois lorrain :

Vous voulez être nos confrères,
Messieurs, soyez les bienvenus ;
Vous êtes des actionnaires
Dépouillés de vos revenus :
Sans doute avec quelques pistoles,
Que vous avez pour tout débris,
Vous venez exprès de Paris
Pour emporter nos léopoles.

En effet ils disaient la vérité, et malgré leur turlupinade, après de pressantes sollicitations, ils me laissèrent souscrire pour cinquante actions, qui me furent délivrées huit jours après, à cause de l’heureuse conformité de mon nom avec celui d’un gentilhomme de Son Altesse royale : car aucun étranger n’en a pu avoir. J’ai profité de la demande de ce papier assez promptement ; j’ai triplé mon or, et dans peu j’espère jouir de mes doublons avec gens comme vous. Faites-en part à ceux que vous croyez s’intéresser à ce qui me regarde.

Salut au bon père Finot,
À qui vous lirez ma légende,
À Faucheur, Douville, en un mot,
À toute la bachique bande :
Pour l’aimable et galant de Trois,
Qui me réduit presque aux abois
Quand il exerce sa critique,
Dites-lui donc, quand quelquefois,
Après réplique sur réplique,
Sans savoir bonnement pourquoi,
Je m’emporte et je me lutine.
Pour Dieu, qu’il ait pitié de moi
Et de ma petite poitrine.