Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/310

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de vaine gloire ! Cependant que ferions-nous, sans cette chimère ? Elle est nécessaire à l’âme comme la nourriture l’est au corps. Je veux refondre Ériphyle et la Mort de César, le tout pour cette fumée. En attendant, je suis obligé de travailler à des additions que je prépare pour une édition de Hollande de Charles XII. Il a fallu s’abaisser à répondre à une misérable critique[1] faite par La Motraye. L’homme ne méritait pas de réponse ; mais, toutes les fois qu’il s’agit de la vérité et de ne pas tromper le public, les plus misérables adversaires ne doivent pas être négligés. Quand je me serai dépêtré de ce travail ingrat, j’achèverai ces Lettres anglaises[2] que vous connaissez ; ce sera tout au plus le travail d’un mois ; après quoi il faudra bien revenir au théâtre, et finir enfin par l’histoire du Siècle de Louis XIV. Voilà, mon cher Formont, tout le plan de ma vie. Je la regarderai comme très-heureuse si je peux en passer une partie avec vous. Vous m’aplaniriez les difficultés de mes travaux, vous m’encourageriez, vous m’en assureriez le succès, et il m’en serait cent fois plus précieux. Que j’aime bien mieux laisser aller dorénavant ma vie dans cette tranquillité douce et occupée que si j’avais eu le malheur d’être conseiller au parlement ! Tout ce que je vois me confirme dans l’idée où j’ai toujours été de n’être jamais d’aucun corps[3], de ne tenir à rien qu’à ma liberté et à mes amis. Il me semble que vous ne désapprouvez pas trop ce système, et qu’il ne faudra pas prêcher longtemps Cideville, pour le lui faire embrasser, dans l’occasion. Il vient de m’écrire, mais il me mande qu’il va à la campagne, et je ne sais où lui adresser ma réponse. Aimez-moi toujours, mon cher Formont, et que votre philosophie nourrisse la mienne des plaisirs de l’amitié.


283. — Á M. LEFEBVRE[4].
1732.

Votre vocation, mon cher Lefebvre, est trop bien marquée pour y résister. Il faut que l’abeille fasse de la cire, que le ver

  1. Voyez tome XVI, pages 129 et 355.
  2. Ou Lettres philosophiques ; voyez tome XXII, page 75.
  3. Voltaire a changé de résolution. Il était, en 1753, de dix-huit académies ; voyez tome XV, page 93.
  4. Cette lettre parait écrite en 1732 : car en ce temps l’auteur avait pris chez lui ce jeune homme, nommé Lefebvre, à qui elle est adressée. On dit qu’il promettait beaucoup, qu’il était très-savant, et faisait bien des vers : il mourut la même année — Cette note a été imprimée, en 1742, dans le tome II des Œuvres de M. de Voltaire : Genève, Bousquet (Paris, Barrois), cinq volumes petit in-12. Lefebvre n’est mort qu’en 1734, s’il faut en croire une note qu’on lit a la page 130