Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/383

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bien content de son esprit et de la simplicité de ses mœurs. J’attends de vos nouvelles.


352. — Á M. DE FORCALQUIER[1].
1733.

Je vous obéis, monsieur, trop heureux que vous daigniez employer quelques-uns de vos moments à lire ces bagatelles.

Il y a des superstitieux qui se plaindront peut-être de la liberté avec laquelle cela est écrit ; mais j’aurai le bonheur de vous plaire par le même endroit qui les révoltera. Je crains bien, en récompense, que ce qui plaira à un négociant anglais ou hollandais ne déplaise un peu à un homme d’une ancienne maison comme vous. Mais, heureusement pour moi, vous êtes si au-dessus de votre naissance que je suis tout rassuré.

Je vous demande en grâce de me renvoyer incessamment ce seul volume qui me reste, et que je mets entre vos mains comme dans celles de mon juge et de mon protecteur.


353. — Á M, DE CIDEVILLE.
Ce dimanche, 26 juillet.

J’aurais dû répondre plus tôt, mon cher ami, à votre charmante lettre, dans laquelle vous me parlez avec tant de prudence, d’amitié et d’esprit. J’attendais de jour en jour le paquet que · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · et j’espère que j’aurai du moins deux mois pour prendre mon parti. Il y a des temps où l’on peut impunément faire les choses les plus hardies ; il y en a d’autres où ce qu’il y a de plus simple et de plus innocent devient dangereux et criminel. Y a-t-il rien de plus fort que les Lettres persanes[2] ? Y a-t-il un lire où l’on ait traité le gouvernement et la religion avec moins de ménagement ? Ce livre, cependant, n’a produit autre chose que de faire entrer son auteur dans la troupe nommée Académie française. Saint-Évremond a passé sa vie dans l’exil pour une lettre qui n’était qu’une simple plaisanterie[3]. La Fontaine a vécu paisiblement, sous un gouvernement cagot. Il est mort, à la vérité, comme un sot, mais, au moins, dans les bras de ses amis. Ovide a été exilé

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Imprimées pour la première fois en 1721.
  3. Lettre au maréchal de Créqui sur le traité des Pyrénées. Voyez les Œutres de Saint-Êvremond, I, xxxvij.