Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome33.djvu/538

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inconstants, pleins de désirs et d’impuissance ; les femmes accouchent avec douleur, et le blé ne vient que quand on a labouré la terre : donc la religion chrétienne doit être vraie. Car toute religion a tenu et peut tenir le même langage.

Mais il faut au contraire dire si la religion chrétienne a été révélée : alors nous verrons la vraie raison pourquoi les hommes sont faibles, méchants ; pourquoi il faut semer, etc.

Mon idée est donc que le péché originel ne peut être prouvé par la raison, et que c’est un point de foi. Voilà pourtant ce qui a soulevé contre moi tous les jansénistes.


503. — AU P. TOURNEMINE,
jésuite.
1735.

Mon très-cher et révérend Père, l’inaltérable amitié dont vous m’honorez est bien digne d’un cœur comme le vôtre ; elle me sera chère toute ma vie. Je vous supplie de recevoir les nouvelles assurances de la mienne, et d’assurer aussi le Père Porée de la reconnaissance que je conserverai toujours pour lui. Vous m’avez appris l’un et l’autre à aimer la vertu, la vérité, et les lettres. Ayez aussi la bonté d’assurer de ma sincère estime le révérend Père Brumoy. Je ne connais point le Père Moloni, ni Père Rouillé dont vous me parlez ; mais s’ils sont vos amis, ce sont des hommes de mérite.

J’ai lu avec beaucoup de plaisir le poème latin que vous m’avez envoyé et je regrette toujours que ceux qui écrivent si bien dans une langue étrangère et presque inutile ne s’appliquent pas à enrichir la nôtre. Je fais mes compliments à l’auteur, et je souhaite, pour l’honneur de la nation, qu’il veuille bien faire dans une langue qu’on parle ce qu’il fait dans une langue qu’on ne parle plus. C’est un de vos mérites, mon cher Père, de parler notre langue avec noblesse et pureté ; c’est à un homme qui pense et qui parle comme vous à faire l’oraison funèbre de feu M. le maréchal de Villars ; le panégyriste est digne du héros. J’ai toujours été très-attaché à tous les deux, et je vous supplie instamment de vouloir bien m’envoyer cet ouvrage.

Vous plaignez l’état où je suis : je ne suis à plaindre que par ma mauvaise santé ; mais je supporte avec patience les maux réels que me fait la nature ; à l’égard de ceux que m’a faits la fortune, ce sont des maux chimériques. Je suis si loin d’être malheureux que j’ai refusé, il y a trois semaines, une place chez un souverain d’Alle-