Au reste je suis charmé que vous ne partiez pas si tôt pour Gênes[1] ; votre ambassade m’a la mine d’être pour vous un bénéfice simple. Faites-vous payer de votre voyage, et ne le faites point : ne ressemblez pas à ces politiques errants qu’on envoie de Parme à Florence, et de Florence à Holstein, et qui reviennent enfin ruinés dans leur pays, pour avoir eu le plaisir de dire : le roi mon maître. Il me semble que je vois des comédiens de campagne qui meurent de faim après avoir joué le rôle de César et de Pompée.
Non, cette brillante folie
N’a point enchaîné vos esprits :
Vous connaissez trop bien le prix
Des douceurs de l’aimable vie
Qu’on vous voit mener à Paris
En assez bonne compagnie ;
Et vous pouvez bien vous passer
D’aller loin de nous professer
La politique en Italie.
Monseigneur, M. de Basin, lieutenant de robe courte, m’est venu arrêter ce matin[3]. Je ne puis vous en dire davantage. Je ne sais de quoi il est question. Mon innocence m’assure de votre protection. Je serai trop heureux si vous me faites l’honneur de me l’accorder.
Monsieur, souffrez que le premier usage que je fasse de ma liberté soit de vous remercier de me l’avoir procurée. Je ne
- ↑ M. de La Paye était nommé envoyé extraordinaire à Gênes. (Note de 1732.) — La Faye figure dans l’Almanach royal de 1716 et de 1717 comme envoyé extraordinaire à Gênes, et non dans celui de 1718. (Cl.)
- ↑ J’imprime ce billet inédit d’après une copie qui m’a été communiquée par le prince A. Labanoff. (B.)
- ↑ Voltaire a été arrêté en 1717, le jour de Pentecôte (voyez, tome IX, page 353. la pièce intitulée la Bastille). Or, en 1717, le jour de Pentecôte était le 16 mai : c’est donc la date de cette lettre. (B.)
- ↑ Marc-René d’Argenson : voyez les notes, tome XIV, page 503, et XVI, 60. Cette lettre est du 15 avril 1718. Publiée pour la première fois par Beuchot, d’après une copie qu’il tenait du prince A. Labanoff.