Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur la Henriade, que vous avez promises, se sont fait attendre en vain : l’ouvrage avance, et il faudra qu’il paraisse sans que j’aie le plaisir d’avoir profité de vos critiques. À quoi sert-il donc d’avoir un ami ? Vous oubliez Voltaire et Henri IV ; vous ne faites point de réponse. Je vous écris, moi, qui suis dans le sein du bonheur et de la philosophie ; et vous, qui passez votre temps à boire et à far niente, vous ne m’écrivez point. Je vous avoue que rien ne peut troubler ma félicité que votre oubli ; puissé-je ne l’imputer qu’à votre paresse ! Mille tendres compliments à Pollion et à vos amis.


633. — À M. LE DUC D’AREMBERG[1].
À Cirey, près Vassy en Champagne, ce 30 août.

Monseigneur[2], je n’ai pas voulu jusqu’à présent, vous importuner de mes plaintes contre un homme que vous honorez de votre protection ; mais enfin l’insolence qu’il a d’abuser de votre nom même pour m’inquiéter me force à vous demander justice. Il imprime, dans une lettre[3] qu’il a fait insérer dans le journal de la Bibliothèque française, page 151, année 1736, que vous lui avez dit qu’à Marimont je vous avais parlé de lui dans les termes les plus indignes et les plus révoltants. Il fait de cette prétendue conversation avec vous le sujet de tous ses déchaînements ; cependant vous savez, monseigneur, si jamais je vous ai dit de cet homme rien qui pût l’outrager ; je respectais trop l’asile que vous lui donnez.. Jugez de son caractère par cette calomnie et par la manière dont il vous commet. Il fait imprimer encore, dans le même libelle, que M. le comte de Lannoi se plaignit publiquement que je n’avais pas entendu la messe dévotement dans l’église des Sablons[4]. Vous sentez, monseigneur, ce que c’est qu’un tel reproche dans la bouche de Rousseau. Je ne vous parle point des calomnies atroces dont il me charge, je ne vous parle que de celles où il ose se servir de votre nom contre moi. Je demanderai justice au tribunal de Bruxelles des unes, et je vous la demande des autres. Quand je vous serais inconnu, je ne prendrais pas moins la liberté de vous adresser mes plaintes ; je suis

  1. Léopold-Philippe, prince et duc d"Aremberg, mort en 1754.
  2. La réponse du duc d’Aremberg à cette lettre est transcrite par Voltaire dans sa lettre du 20 septembre 1736, aux auteurs de la Bibliothèque française, n° 646.
  3. Datée du 22 mai 1736. (B.)
  4. En 1722, quand Voltaire alla à Bruxelles avec madame de Rupelmonde.