Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/25

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qui ne veut que son bonheur. L’amour paternel intéresse toujours. Cette nouvelle leçon que reçoit Alzire de son père sur ses nouveaux devoirs produit encore dans son cœur un combat qui rend son entrevue avec son amant plus intéressante. L’absence du père, qui est au conseil, rend cette entrevue vraisemblable. Tout ce qui me fâche, c’est que Montèze, qui doit garder sa fille à vue, ne paraît point à la fin de l’acte avec Gusman et Alvarez ; mais c’est précisément parce qu’Alvarez et Gusman sont là que le père y est inutile. D’ailleurs, si c’est un défaut, ce défaut subsistait de même dans la première manière.

Mme  du Ghâtelet approuve que ce troisième acte commence de la façon dont je vous l’envoie : c’est un peu de peine de plus pour le seul Le Grand ; mais il la prendra volontiers, s’il croit que cette augmentation embellira son rôle. Il y a même dans ce morceau des choses qu’il peut rendre pathétiques ; enfin ce biais nous sauve de la triste et inutile Céphane.

Si j’étais auprès de vous, mon cher et respectable bienfaiteur, que j’aimerai toute ma vie, j’exécuterais vos ordres plus promptement, et vos lumières m’éclaireraient de plus près ; mais il n’y a que la persécution qui puisse jamais me tirer de Cirey.

Mille tendres respects à Mme  de Ferriol et à M. de Pont-de-Veyle. MM. de Richelieu et Hénault ont-ils lu cette pièce ?


549. — Á M. THIERIOT.
À Cirey, le 22 janvier.

J’ai passé toute la journée, mon cher ami, à éplucher de la métaphysique, à corriger les Américains, à répéter une très-mauvaise comédie[1] de ma façon, que nous jouons à Cirey. (N. B. qu’Émilie est encore une actrice admirable.) Je finis ma journée en recevant votre épitre du 19. Mon cher Thieriot, que voulez-vous que je vous dise ? Je n’ai plus de termes pour vous exprimer combien je vous aime. Il faut répondre en bref. Je prie les comédiens de ne point prendre le double, et j’ai écrit déjà très-fortement sur cela à M. d’Argental.

Pour la jolie Dangeville, elle fait bien de l’honneur à l’Indiscret. Dites-lui, cher ami, que je la remercie de vouloir embellir de sa figure et de son action cette bagatelle. Si j’avais pu prévoir autrefois que ce rôle serait joué par elle, je l’aurais fait bien

  1. C’était très-probablement l’Enfant prodigue. (Cl.) — M. Avenel croit qu’il s’agit plutôt du Comte de Boursoufle.