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Je ne vous ai point parlé de l’aumônier que vous m’avez envoyé, parce que je ne le vois guère qu’à la messe. Il aime la solitude ; il doit être content.

Je ne pourrai travailler en chimie que quand un appartement que je bâtis sera achevé. En attendant, il faut que chacun étudie de son côté.

Voilà bien des commissions, mon cher ami. J’ai répondu à tous vos articles, mais je ne vous ai point dit à quel point je suis touché des marques de votre amitié.

J’ai encore à vous dire que nous vous prions de faire emballer les tableaux de Chevalier, avant de partir.

Dites à monsieur votre frère de m’écrire pendant votre absence.


778. — DE FRÉDÉRIC, PRINCE ROYAL DE PRUSSE.
Remusberg, 27 septembre[1].

Monsieur, si j’écrivais à un ingrat, je serais obligé de lui faire comprendre, par un long verbiage, ce que c’est que la reconnaissance ; heureusement pour moi je ne suis pas dans ce cas. Ma lettre s’adresse à un exemple de vertu, à un homme qui m’entendra très-bien en lui disant simplement que je suis pénétré des obligations que je lui dois.

Césarion, connaissant mon empressement pour tout ce qui me vient de vous, m’a envoyé vos deux lettres, se réservant à lui-même de me remettre le reste de vos ouvrages immortels entre les mains. S’il y a quelque chose qui me puisse faire redoubler l’impatience de le revoir, c’est le trésor précieux dont il est dépositaire.

Vos ouvrages seront conservés comme l’étaient ceux d’Aristote par Alexandre. Ils ne me quitteront jamais ; et je compte de posséder en eux une bibliothèque entière. C’est le miel que vous avez tiré des plus belles fleurs, et qui n’a rien perdu en passant par vos mains.

Non, monsieur, tant que vous vivrez, je n’enverrai qu’à Cirey faire la quête des vérités. Je ne troublerai point les glaçons de la Nouvelle-Zemble ni les déserts arides de l’Éthiopie, pour apprendre des nouvelles de la figure du monde[2]. Ces découvertes sont certainement louables, et, loin de les blâmer, je les trouve dignes des soins de ceux qui les ont entreprises ; mais il me semble que votre façon impartiale et judicieuse d’envisager les choses m’est infiniment plus profitable. J’apprends plus par vos doutes que par tout

  1. Le 20 septembre. (Œuvres posthumes.)
  2. Allusion aux voyages que venaient de faire : au Pérou, Bouguer, Godin, La Condamine ; au Nord, Clairaut, Lemonnier, Maupertuis ; voyez, tome VIII, l’ode de Voltaire sur ce sujet ; et, tome X, une note de l’Épître à Algarotti du 15 octobre 1735.