Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome34.djvu/51

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directement opposées aux infâmes imputations de mes ennemis. J’ai fait tout le bien que j’ai pu, et je n’ai jamais fait le mal que j’ai pu faire. Si ceux que j’ai accablés de bienfaits et de services sont demeurés dans le silence contre mes ennemis, le soin de mon honneur me doit faire parler, ou quelqu’un doit être assez juste, assez généreux pour parler pour moi. Pourquoi sera-t-il permis d’imprimer que j’ai trompé un libraire, que j’ai retenu des souscriptions, et ne me sera-t-il pas permis de démontrer la fausseté de cette accusation ? Pourquoi ceux qui la savent la tairont-ils ? L’innocence, et j’ose dire la vertu, doit-elle être opprimée, calomniée, par la seule raison que mes talents m’ont rendu un homme public ? C’est cette raison-là même qui doit m’élever la voix, ou qui doit dénouer la langue de ceux qui me connaissent.

Que m’importe que dom Prévost, qui n’a point d’ennemis, ait écrit quelque chose ou non sur son compte ? Que me fait son aventure d’une lettre de change à Londres ? Qu’il se disculpe devant les jurés ; mais, moi, je suis attaqué dans mon honneur par des ennemis, par des écrivains indignes ; je dois leur répondre hardiment, une fois dans ma vie, non pour eux, mais pour moi. Je ne crains point Rousseau[1], je le méprise ; et tout ce que j’ai dit dans mon épître est vrai ; reste à savoir s’il faut que ce soit moi ou un autre qui ferme la bouche au mensonge. Si dom Prévost voulait entrer dans ces détails, dans une feuille consacrée en général à venger la réputation des gens de lettres calomniés, il me rendrait un service que je n’oublierais de ma vie. La matière d’ailleurs est belle et intéressante. Les persécutions faites aux auteurs de réputation ont mérité des volumes. Si donc je suis assuré que le Pour et Contre parlera aussi fortement qu’il est nécessaire, je me tairai, et ma cause sera mieux entre ses mains que dans les miennes ; mais il faut que j’en sois sûr.

Quel est le malheureux auteur de cet Observateur polygraphique[2] ? Ne serait-ce point l’abbé Desfontaines ? C’est assurément quelque misérable écrivain de Paris. Il ne sait donc pas que vous êtes mon ami intime, mon plénipotentiaire, mon juge ? Voilà vos qualités sur le Parnasse.

P. S. Mme  la marquise du Châtelet veut absolument que mon

  1. Voyez, tome III, les variantes du Discours préliminaire en tête d′Alzire.
  2. L’Observateur, ouvrage polygraphique et périodique ; Amsterdam, 1736, 12 volumes in-8o, est attribué, par Barbier, à Jacques de Varenne, ou de La Varenne.