vingt ans : elle vaudrait mieux si je ne l’avais commencée qu’à trente-cinq. Mais si je fais un poëme épique à soixante ans, je vous réponds qu’il sera pitoyable. On peut être pape et empereur dans la plus extrême vieillesse, mais non pas poëte.
Aussi, étant parvenu à l’âge de quarante-trois ans, je renonce déjà à la poésie. La vie est trop courte, et l’esprit de l’homme trop destiné à s’instruire sérieusement pour consumer tout son temps à chercher des sons et des rimes, Virgile exprime ses regrets d’ignorer la physique.
Me vero primum dulces ante oinnia musae[1].
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Accipiant, cœlique vias et sidéra monstrent,
Defectus solis varios lunæque labores ;
Unde tremor terris, qua vi maria alta dehiscant ;
Quid tantum Oceano properent se tingere soles
Hiberni, vel quæ tardis mora noctibus obstet.
Etc.
Notre La Fontaine a imité cet endroit de Virgile :
Quand pourront les neuf sœurs, loin des cours et des villes[2]
M’occuper tout entier, et m’apprendre des cieux
Les divers mouvements inconnus à nos yeux,
Les noms et les vertus de ces clartés errantes ? etc.
Ce que Virgile et La Fontaine regrettaient, je l’étudié. La connaissance de la nature, l’étude de l’histoire, partagent mon temps. C’est assez d’avoir cultivé vingt-trois ans la poésie, et je conseillerais à tous ceux qui auront consacré leur printemps à cet art difficile et agréable, de donner leur automne et leur hiver à des choses plus faciles, non moins séduisantes, et qu’il est honteux d’ignorer. Il y a longtemps que j’ai été frappé de cette complication de fautes, où tomba Boileau, lorsque, dans un trait de satire très-injuste et très-mal placé, il dit :
Que, l’astrolabe en main, un autre aille chercher
Si le soleil est fixe, ou tourne sur son axe.
Le commentateur qui a voulu excuser cette faute devait se faire informer qu’en aucun sens l’astrolabe ne peut servira faire voir si le soleil est fixe ou non. Et je répéterai ici que Despréaux