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dernier secret avoir quelque argent comptant chez un notaire discret et fidèle, qu’il pût placer dans l’occasion pour un temps, et que je pusse retrouver sur-le-champ en un besoin. Je suis très-mécontent du sieur Perret. Il a deux excellentes qualités pour un homme public : il est brutal et indiscret.

N’avez-vous point quelque notaire à qui vous pussiez vous confier ? Il faudrait, je crois, que le tout fût sous votre nom : vous me donneriez seulement un mot de reconnaissance sous seing privé. Voyez, mon cher abbé, si vous pouvez me rendre ce service. Le dépôt sera petit à petit d’environ cinquante mille francs, d’ici à deux ans, et peut-être davantage.

Mandez-moi ce que vous aurez fait sur cela.

Vous savez combien je vous aime et je vous estime, et à quel point vous pouvez en tout compter sur moi.


573. — Á M. THIERIOT.
À Cirey, ce 10 mars.

La galanterie de Mlle Quoniam[1] est plus flatteuse que les battements de mains du parterre. Je ne sais plus quelle fille de l’antiquité voulut coucher avec un philosophe pour le récompenser de ses ouvrages. Mlle Quoniam ne pousserait pas si loin la générosité antique, mais aussi je ne suis pas si philosophe. Pour Mlle Gaussin, elle me devrait au moins quelques baisers. Je m’imagine que vous les recevez pour moi, et que ce n’est pas au théâtre que sa bouche vous fait le plus de plaisir.

Il est vrai que dans la petite comédie[2] que nous avons jouée à Cirey il y aurait un rôle assez plaisant et assez neuf pour Mlle Dangeville. Mme du Châtelet la joué à étonner, si quelque chose pouvait étonner d’elle ; mais la pièce n’est qu’une farce qui n’est pas digne du public. Thélis et Pélèe[3] me font trembler pour ma vieillesse. Il est triste que ce qui a été beau ne le soit plus ; mais ce n’est point M. de Fontenelle qui est tombé, ce sont les acteurs de l’Opéra. Ne pourrai-je point avoir l’Épître à Clio[4], de M. de La Chaussée ? C’est celui-là qui fait bien des vers, et

  1. Mlle Quinault.
  2. L’Enfant prodigue.
  3. Opéra, paroles de Fontenelle, musique de Celasse ; représenté, pour la première fois, en 1689, et repris sept fois.
  4. C’est-à-dire l’Épître de Clio à M. de B… (Bercy), dont la première édition, in-12 de trente-trois pages, parut en 1734.